dissabte, 23 de setembre del 2023

Chapitre II. Substantifs. Grammaire de la Langue Romane.

Chapitre II.

Substantifs.

Les noms doivent être considérés sous les rapports du genre, du nombre, et du cas.

La langue romane admet seulement les genres masculin et féminin, que l' article, la terminaison, font ordinairement reconnaître.

Elle admet deux nombres: le singulier et le pluriel; ils sont de même indiqués ordinairement par l' article, par la terminaison.

Le CAS fut ainsi nommé à cause du signe final distinguant les sujets et les régimes dans les langues qui terminent leurs noms par une variété de désinences ou chûtes, CASUS. Quelques grammairiens ont prétendu que, dans les langues modernes qui n' attachent point à leurs noms cette variété de désinences caractéristiques soit des sujets soit des régimes, il n' existait point de cas.

Quoique je préfère d' employer les expressions de Sujet et de Régime Direct ou Indirect, je me conforme quelquefois à l' usage, en me servant du mot de CAS, pour rendre mes idées plus sensibles, sur-tout quand j' établis des rapports avec les CAS des langues qui ont des désinences caractéristiques.

Presque tous les substantifs romans ayant été formés par la suppression de ces désinences qui marquaient les cas des substantifs latins, il serait aussi long que fastidieux de présenter ici le tableau de toutes les terminaisons des différents substantifs romans, soit masculins, soit féminins. Ces détails minutieux et compliqués appartiennent au Dictionnaire de la langue (Raynouard, Lexique Roman): il contiendra la classification des désinences très nombreuses et très variées qui indiquent les noms substantifs ou adjectifs; ces noms sont faciles à reconnaître soit à l' article ou aux prépositions qui les précèdent, soit au signe qui, dans la langue romane, distingue les sujets des régimes.

On a vu précédemment de quelle manière se faisait cette distinction caractéristique; de nouvelles observations et de nouveaux exemples confirmeront la règle, et offriront quelques détails nécessaires.

Au singulier, l' S final attaché à tous les substantifs masculins et à la plupart des substantifs féminins qui ne se terminent point en A, désigne qu' ils sont employés comme sujets, c'est-à-dire qu' ils remplissent la fonction du nominatif ou du vocatif; et l' absence de l' S désigne le régime direct ou indirect, c'est-à-dire que ces noms remplissent une fonction de génitif, de datif, d' accusatif, ou d' ablatif.

Au pluriel, les nominatifs et les vocatifs de ces noms, c'est-à-dire les sujets, ne reçoivent pas l' S; mais il s' attache aux génitifs, datifs, accusatifs, et ablatifs, c'est-à-dire aux régimes directs ou indirects.

Les régimes indirects sont facilement distingués, soit au singulier, soit au pluriel, par les prépositions DE et A, ou autres, qui précèdent les génitifs, datifs et ablatifs; et les régimes directs, par l' absence de ces prépositions, lesquelles ne sont jamais placées entre des verbes et un nom qui devient leur régime direct.

Les noms féminins en A, sujets ou régimes, ne reçoivent, dans aucun cas du singulier, l' S final, qu' ils gardent à tous les cas du pluriel.

Les substantifs qui originairement se terminent en S, le conservent dans tous les cas, soit au singulier, soit au pluriel.

Pour offrir des exemples de l' emploi de l' S, désignant au singulier les noms masculins comme Sujets, je choisis un couplet entier:

Valer m degra MOS PRETZ e MOS PARATGES

E ma BEUTATZ e plus MOS FINS CORATGES;

Per qu' ieu vos man, lai on es vostre ESTATGES,

Esta chanson, que me sia MESSATGES,

E voill saber, lo MIEUS BELS AMICS GENS,

Per que m' etz vos tan FERS e tan SALVATGES;

No sai si s' es ORGUELHS O MALS TALENS. (1)

Comtesse de Die: A chantar.

(1) Valoir me devrait mon prix et mon parage

Et ma beauté et plus mon tendre attachement;

C'est pourquoi je vous mande, là où est votre demeure,

Cette chanson, qui me soit message,

Et je veux savoir, ô le mien bel ami gent,

Pourquoi m' êtes vous tant cruel et tant sauvage;

Ne sais si c'est orgueil ou mauvaise volonté.


Je donne de même un couplet entier pour les exemples de l' absence de l' S, désignant au singulier les noms masculins comme régimes directs ou indirects:


Seinher Conrat, tot per vostr' AMOR chan,

Ni ges no i gart AMI ni ENNEMI;

Mas per so 'l fatz qu' ill crozat vauc reptan
Del PASSATGE qu' an si mes en OBLI:

Non cuidon qu' a DEU enoia

Qu' ill se paisson e se van sojornan;

E vos enduratz FAM, SET, et ill stan. (1)

Bertrand de Born: Ara sai.
(1) Seigneur Conrad, tout pour votre amour je chante,

Et aucunement n' y regarde ami ou ennemi;

Mais pour ce le fais que les croisés vais accusant

Du passage qu' ils ont ainsi mis en oubli:

Ils ne pensent pas qu' à Dieu il déplaise

Qu' ils se repaissent et se vont séjournant;

Et vous endurez faim, soif, et eux restent.


L' observation de cette règle et son utilité sont frappantes dans les phrases où le même nom est successivement employé et comme Sujet et comme Régime:


Qe mais mi notz A DEU SIAZ

Que DEUS VOS SAL no m' ajuda. (2)

Cadenet: Amors e cum er.
(2: Parce que plus me nuit A DIEU SOYEZ
Que DIEU VOUS SAUVE ne m' aide.
Pour l' intelligence de ces locutions, je dois avertir que la première correspond à ADIEU, et signifie donc l' instant de la séparation; et que la seconde correspond à BON JOUR, et signifie celui de l' arrivée.)


Parmi les citations que je pourrais faire de la prose romane, je préfère ce passage qui commence l' ouvrage intitulé: Leys d' Amors:

Segon que dis lo PHILOSOPHS, tut li home del mon desiron aver sciensa, de la qual nais SABERS, de SABER conoyssensa, de connoyssensa SENS, de SEN be far, de be far VALORS, de VALOR LAUZORS, de LAUZOR HONORS, d' HONOR pretz, de pretz PLAZERS, et de PLASER gaug e ALEGRIERS.” (1)
(1) "Selon que dit le philosophe, tous les hommes du monde desirent avoir science, de laquelle naît savoir, de savoir connaissance, de connaissance sens, de sens bien faire, de bien faire valeur, de valeur louange, de louange honneur, d' honneur prix, de prix plaisir, et de plaisir joie et allégresse."

Il me reste à donner, pour le pluriel, des exemples de l' absence de l' S désignant les sujets, et de la présence de l' S désignant les régimes:

Plur. Sujet. De fin' amor son tuit MEI PENSAMEN

E MEI DESIR e MEI MEILLOR JORNAL. (2)

P. Raimond de Toulouse: De fin' amor.

En vos son pauzat MIEI VOLER,

E MIEI TALAN e MIEI DESIR. (3)

Elias de Barjols: Pus la bella.

Plur. Régime. En abril, quan vei verdeiar

LOS PRATZ VERTZ, e 'ls VERDIERS florir. (4)

Bernard de Ventadour: En abril.

Lo temps vai, e ven, e vire

Per JORNS e per MES e per ANS. (5)

Bernard de Ventadour: Lo temps.

Plur. Régime. Car qui be vol baissar e frevolir

SOS ENNEMICS, BOS AMICS deu chausir. (1)

Bernard Arnaud de Montcuc: Anc mais.

Pro ai del chan ESSENHADORS

Entorn mi et ENSENHAIRITZ,

PRATZ e VERGIERS, ARBRES e flors

Voutas d' AUZELНS e LAIS e CRITZ. (2)

Geoffroi Rudel: Pro ai del chan.

Voici des exemples des substantifs féminins en A au singulier, et en AS au pluriel.

Sing. Sujet. Que fara la vostr' AMIA?

Amicx, cum la voletz laissar! (3)

Bernard de Ventadour: En abril.

GUERRA m platz, sitot GUERRA m fan

Amors e ma DOMNA tot l' an. (4)

Bertrand de Born: Guerra.

Sing. Régime. Farai CHANSONETA NUEVA. (5)

Comte de Poitiers: Farai.
Lanquan vei la FUELHA
Jos dels arbres cazer. (6)
Bernard de Ventadour: Lanquan vei.
(1) Car qui bien veut abaisser et affaiblir
Ses ennemis, bons amics doit choisir.
(2) Assez j' ai du chant instituteurs
Autour de moi et institutrices,
Prés et vergers, arbres et fleurs,
Cadences d' oiseaux et lais et ramages.
(3) Que fera la votre amie?
Ami, comment la voulez-vous laisser!
(4) Guerre me plait, quoique guerre me font
Amour et ma dame toute l' année.
(5) Je ferai chansonette nouvelle.
(6) Quand je vois la feuille
En bas des arbres tomber.

Sing. Régime. Mielz no fa 'l venz de la RAMA,

Q' en aissi vau leis seguen,

Com la fuelha sec lo ven. (1)

Bernard de Ventadour: Amors enquera.

Plur. Sujet.

Las DONAS eyssamens

An pretz diversamens...

Las UNAS son plazens,

Las AUTRAS conoissens. (2)

Arnaud de Marueil: Rasos es.

Plur. Régime.
E vey las AIGUAS esclarzir. (3)

Bernard de Ventadour: En abril.

Anc Persavals, quant en la cort d' Artus

Tolc las ARMAS al cavalier vermelh,

Non ac tal joy. (4)

Rambaud de Vaqueiras: Era m requier.

De las DOМNAS me desesper:

Jamais en lor no m fiarai. (5)

Bernard de Ventadour: Quan vei la laudeta.
(1) Mieux ne fait le vent de la ramée,
Vu qu' ainsi je vais elle en suivant,
Comme la feuille suit le vent.
(2) Les dames également
Ont prix diversement...
Les unes sont agréables,
Les autres savantes.
(3) Et je vois les eaux éclaircir.
(4) Oncques Perseval, quant en la cour d' Artus
Il enleva les armes au chevalier vermeil, (: rouge)
N' eut telle joie.
(5) Des dames me désespère:
Jamais en elles ne me fierai.

J' ai dit que les substantifs terminés en S le gardaient à tous les cas du singulier et du pluriel, soit qu' ils fussent employés comme Sujets, soit qu' ils le fussent comme Régimes; je choisis pour exemples les noms TEMPS, temps; VERS, vers; OPS, besoin, avantage.

Sujets.

Lo gens TEMPS m' abellis e m platz. (1)

Arnaud de Marueil: Lo gens temps.

Qu' entr' els lurs gabs passa segurs mos VERS. (2)

Arnaud de Marueil: L' ensenhamentz.

Ab fina joia comensa

LO VERS qui be 'ls motz assona. (3)

Pierre d' Auvergne: Ab fina.

Car mot l' es OPS sacha sofrir

Que vol a gran honor venir. (4)

Arnaud de Marueil: Totas bonas.

Régimes.
Totz TEMPS vos amaria,

Si totz TEMPS vivia. (5)

Arnaud de Marueil: Sabers.

Per joi qu' ai dels e d' el TEMPS. (6)

Arnaud Daniel: Autet e bas.
(N. E. “Tan m' abellis vostre cortes deman,

qu' ieu no me puesc ni voill a vos cobrire.

Ieu sui Arnaut, que plor e vau cantan;

consiros vei la passada folor,

e vei jausen lo joi qu' esper, denan.

Ara vos prec, per aquella valor

que vos guida al som de l' escalina,

sovenha vos a temps de ma dolor!”.
Divina Commedia, Dante Alighieri.)

Estat ai dos ans

Qu' ieu no fi VERS ni chanso. (7)

Bernard de Ventadour: Estat ai.

Dirai un VERS que m' ai pensat. (8)

Rambaud d' Orange: Als durs.

(1) Le gentil temps me charme et me plait.
(2) Qu' entre leurs plaisanteries passe assuré mon vers.
(3) Avec pure joie commence
Le vers qui bien les mots accorde.
(4) Car beaucoup lui est besoin que sache souffrir
Qui veut à grand honneur venir.
(5) En tous temps je vous aimerais
Si en tous temps je vivais.
(6) Par joie que j' ai d' eux et du temps.
(7) Été j' ai deux ans
Que je ne fis vers ni chanson.
(8) Je dirai un vers que j' ai pensé.

Régime.

E chanta SOS VERS raucament. (1)

Le Moine de Montaudon: Pus Peire.

Ben vuelh que sapchon li plusor

D' est VERS, si 's de bona color. (2)

Comte de Poitiers: Farai un vers.

Lai on m' agra ops que fos saubuz mos vers. (3)

Folquet de Marseille: Chantan volgra.

Qu' a vos soi fis e a mos ops trayre. (4)

Folquet de Marseille: Tan m' abellis.

Concurremment avec la règle qui désigne par l' S final le sujet au singulier, la langue romane usa d' une forme spéciale pour quelques substantifs masculins, dont le nominatif au singulier se termina différemment des autres cas du singulier et de tous ceux du pluriel.

Ces substantifs reçurent la finale AIRE, EIRE, IRE, comme sujets au singulier, et la finale ADOR, EDOR, IDOR, comme régimes directs ou indirects au singulier, et comme sujets ou régimes au pluriel.

AIRE: sujet.

"Pistoleta si fo CANTAIRE d' En Arnaud de Marueil, e fo de Proensa, e pois venc TROВAIRE, e fez cansos.” (5)

Vie manuscritte de Pistoleta. Ms. royale 7225, fol. 137.

C' anc no fui fals ni TRICHAIRE. (6)

Bernard de Ventadour: Lo rossignols.


(1) Et chante ses vers rauquement.
(2) Bien veux que sachent la plupart
De ce vers, s' il est de bonne couleur.
(3) Là où j' aurais besoin que fût su mon vers.

(4) Qu' à vous je suis fidèle et à mes avantages traître.

(5) "Pistoleta ainsi fut chanteur d' Arnaud de Marueil, et fut de Provence,

et puis devint troubadour, et fit des chansons.”

(6) Que jamais je ne fus faux ni tricheur.


AIRE: sujet.

Qu' ieu chant gais e joios,

Pois cil cui sui Amaire,

Qu' es la gensor qu' anc fos,

Vol mi e mas chansos. (1)

Gaucelm Faidit: L' onrat jauzens.

ADOR: régime.

Vergiers ni flors ni pratz

No m' an fait Cantador;

Mas per vos cui ador,

Domna, m sui alegratz. (2)

Pierre Raimond de Toulouse: S' ieu fos.

Cantarai d' aquest Trobadors

Qui chantan de mantas colors. (3)

Pierre d' Auvergne: Cantarai.

Amic ai de gran valor

Que sobre totz seingnoreia

E non a cor Trichador. (4)

Azalais de Porcairague: Ar em al freg.

Vos am e no m recre

Per mal ni per dolor;

Tan vos ai cor de lial Amador! (5)

Gaucelm Faidit: Razon.


(1) Que je chante gai et joyeux,

Puisque celle dont je suis l' amant,

Qui est la plus gentille qui onc fut,

Veut moi et mes chansons.

(2) Verger, ni fleur, ni pré

Ne m' ont fait chanteur;

Mais par vous que j' adore,

Dame, je suis inspiré.

(3) Je chanterai de ces troubadours
Qui chantent de maintes couleurs.
(4) Ami j' ai de grande valeur
Qui sur tous domine
Et n' a pas coeur tricheur.
(5) Je vous aime et ne me lasse
Par mal ni par douleur;
Tant pour vous j' ai coeur de loyal amant.

EIRE: sujet.
E s' anc fuy gays Entendeire ni drutz. (1).

Rambaud de Vaqueiras: D' amor no m lau.

EDOR: Rég.
D' una dona qu' a dos Entendedors. (2)
Rambaud de Vaqueiras: Seigner.

IRE: sujet.

E ill serai hom et amicx e Servire. (3)

Bernard de Ventadour: Ben m' an.

Doncs, belha, membransa

N' aiatz qu' ieu no us sui Mentire. (4)

Gaucelm Faidit: Coras que m.

IDOR Rég.
Bona dompna, plus no us deman

Mais que m prendaz a Servidor. (5)

Bernard de Ventadour: Non es meraveilla.

Car del tornar ai paor

Que me tegna per Mentidor. (6) (N. E. tegna : tenga)

Gaucelm Faidit: d' un dolz bel.
(1) Et si oncques je fus gai poursuivant et galant.
(2) D' une dame qui a deux poursuivants.
(3) El lui serai homme-lige, et ami et serviteur.
(4) Donc, belle, souvenir
En ayez que je vous suis menteur.
(5) Bonne dame, plus ne vous demande
Si non que me preniez à serviteur.
(6) Car du retour j' ai peur
Qu' elle me tienne pour menteur.

Quand j' indique les principales règles qui, dans la langue romane, servent à distinguer les sujets et les régimes, je ne dois pas omettre que cette langue possède plusieurs substantifs qui, par leur double terminaison masculine et féminine, pouvaient être employés tour-à-tour dans le genre qui convenait aux auteurs.

Ces mots sont en grand nombre; le dictionnaire roman les indiquera; je me borne à donner les exemples de FUELH et FUELHA, de JOY et JOYA.

LO FUELHS e 'l flors e 'l frugz madurs. (1)

Pierre d' Auvergne: Lo fuelhs.

Quan la vert FUELHA s' espan

E par flors blanqu' el ramel. (2)

Bernard de Ventadour: Quan la vert.

Tos temps sec JOI ir' e dolors,

E tos temps ira JOIS e bes. (3)

Bernard de Ventadour: Ja mos chantars.

No sai JOYA plus valen. (4)

Geoffroi Rudel: Quan lo.


Le substantif DONS est employé dans le même sens que le substantif DOMNA, mais alors le pronom possessif qui y est joint est MI, TI, SI:

Sujet:

E MI DONS ri m tan doussamens. (5)

Rambaud d' Orange: Ab nov joi. (nov : nou; bov : bou; etc.)

Régime.

Amicx, quan se vol partir

De SI DONS, fai gran enfansa. (6)

Gaucelm Faidit: Sitot ai.

Pois a MI DONS no pot valer

Dieus ni merces ni' l dreich qu’ ieu ai. (7)

Bernard de Ventadour: Quan vei la laudeta.


(1) La feuille et la fleur et le fruit mûr.
(2) Quand la verte feuille s' épaud.
(3) En tous temps suivent joye la tristesse et la douleur,

Et en tous temps tristesse la joye et le bien.
(4) Je ne sais joye plus précieuse.
(5) Et ma dame rit à moi si doucement.
(6) Un ami, quand il veut se séparer
De sa dame, fait grand enfantillage.
(7) Puisqu'à ma dame ne peut valoir
Dieu ni merci ni le droit que j' ai.


Enfin la langue romane employa quelquefois un signe particulier pour précéder et faire reconnaître les noms propres des personnes qualifiées.

EN désigna les noms propres masculins.

NA désigna les noms propres féminins. (1)

Trobey la molher d' EN Guari

E d' EN Bernart. (2)

Comte de Poitiers: En Alvernhe.

E fa tota la linhada

Que pres d' EN Adam naissensa. (3)

Gavaudan le Vieux: Un vers.

NA Beatrix, Dieus qu' es ples de merce

Vos accompanh' ab sa mair' et ab se. (4)

Aimeri de Peguillan: De tot en tot.

NA subissait quelquefois l' élision devant les noms qui commençaient par des voyelles:

So dis N' Agnes, e N' Ermessen:

Trobat avem qu' anam queren. (5)

Comte de Poitiers: En Alvernhe.


(1) On conçoit que NA a pu venir de domna, par la suppression de DOM, mais il est plus difficile d' expliquer d' où dérive EN (Mossen : Mon seigneur etc). M. de Marca a proposé ses conjectures à ce sujet dans le Marca Hispanica, liv. 3, c. 9.
(2) Je trouvai la femme de Guarin
Et de Bernard.
(3) Et fait toute la lignée
Qui prit d' Adam naissance.
(4) Dame Béatrix, Dieu qui est plein de merci
Vous place avec sa mère et avec soi.
(5) Ce dit dame Agnès, et dame Ermessen:
Trouvé avons ce que nous allons cherchant.

EN et NA furent placés même devant les sobriquets ou les noms fictifs qui étaient donnés à ces personnes qualifiées.

Ainsi Bertrand de Born, qui donne au roi Richard le sobriquet d' OC E NO, OUI ET NON, dit de lui:

EN OC E NO vol guerra mais

Que no fai negus dels Alguais. (1)

Bertrand de Born: Al dous nov.

(N. E. El 14 de junio de 1461 - 
los diputats del General e consell representants lo Principat de Cathalunya. - resposta de hoc o de no)

resposta de hoc o de no, 1461, 14 de juny, los diputats del General,  lo Principat de Cathalunya


Bernard de Ventadour, donnant à la dame qu' il chantait le nom de FIN' AMORS, PUR AMOUR, s' exprime ainsi:
NA FIN' AMORS, fons de bontatz,

Merce ti clam, lai no m' acus. (2)

Bernard de Ventadour: Pus mos coratges.

Et Arnaud de Marueil appelant sa dame SES MERCE, SANS MERCI:

NA SES MERCE, trop s' afortis

Vostre durs cors encontra mey. (3)

Arnaud de Marueil: Cui que fin' amors.


(1) Seigneur oui et non veut la guerre plus
Que ne fait aucun des Alguais.
(*: noms de fameux brigands qui étaient quatre frères.)
(2) Dame pur amour, fontaine de bontés,
Merci je te demande, las! ne m' accuse.

(3) Dame sans merci, trop se renforce
Votre dur coeur contre moi.

Verbes employés substantivement.


A l' exemple de la langue grecque et de la langue latine, les présents des infinitifs furent souvent employés substantivement.

Comme sujets, ils prirent ordinairement l' S final, mais ils ne le prirent pas toujours.

Comme régimes, ils rejetèrent l' S final.

Les régimes indirects furent précédés des prépositions qui les désignent.

Quelquefois l' article fut joint à ces verbes, soit sujets, soit régimes; quelquefois ils furent employés sans articles, ainsi qu'on le pratiquait à l' égard des substantifs mêmes. Voici des exemples de l' infinitif des verbes romans employés substantivement.

Sujets sans articles.
CHANTARS me torna ad afan,

Quan mi soven d' En Barral. (1)

Folquet de Marseille: Chantars.

El dieus d' amor m' a nafrat de tal lansa

Que no m ten pro SOJORNARS ni JAZERS. (2)

Folquet de Marseille: Chantan.

Que VIURES m' es marrimens et esglais,

Pus morta es ma dona n' Azalais. (3)

Pons de Capdueil: De totz caitius.


Sujets avec articles.

Pus LO PARTIRS m' es aitan grieus

Del seignoratge de Peytieus. (4)

Comte de Poitiers: Pus de chantar.

(1) Chanter me tourne à chagrin,
Quand il me souvient de Barral.
(2) Le dieu d' amour m' a blessé de telle lance
Que ne me tient profit le reposer ni le coucher.
(3) Que vivre m' est chagrin et effroi,
Depuis que morte est ma dame Azalais.
(4) Puisque le séparer m' est si pénible
De la seigneurie de Poitou.


Sujets avec article.

Val lo bon cor e 'L GEN PARLARS

E' l merces e l' HUMILIARS
Mais que riquezas ni poders. (1)

Arnaud de Marueil: Si que vos.

Granz affars es LO CONQUERERS,

Mais LO GARDAR es maestria. (2)

Gaucelm Faidit: Chascun deu.

Lanquan la vei, me te 'L VEZERS jauzen. (3)

Pons de Capdueil: Aissi m' es pres.

Sujets au pluriel.

Ben sai qu' a sels seria fer

Que m blasmon quar tan soven chan,

Si lur costavon MEI CHANTAR. (4)

Rambaud d' Orange: Ben sai.

Soffrissetz qu' a vostr' onransa

Fosson mais TUICH MEI CHANTAR. (5)

Gaucelm Faidit: Al semblan.


Rég. Direct.

En mon cor ai UN NOVELET CANTAR

PLANET e LEU e qu' el fai bon auzir

A totz aisselhs qu' en joy volon estar. (6)

Arnaud de Marueil: En mon cor.


(1) Vaut le bon coeur et le gentil parler
Et la merci et le condescendre
Plus que richesse ni pouvoir.
(2) Grande affaire est le conquérir,
Mais le garder est science.
(3) Quand je la vois, me tient le voir jouissant.
(4) Bien je sais qu' à ceux serait dur
Qui me blâment parce que si souvent je chante,
Si leur coûtaient mes chanters.
(5) Souffrissiez qu' à votre honneur
Fussent désormais tous mes chanters.
(6) En mon coeur j' ai un nouveau chanter
Simple et léger et qu' il fait bon ouir
A tous ceux qui en joie veulent être.

Rég. ind. sans article.

AB CELAR et AB SOFFRIR

Li serai hom e servire. (1)

P. Raimond de Toulouse: Altressi.

E tal es EN GRAN POIAR (N. E. chap. pujá, puchá; pujar)

Cui la rod' EN BREU VIRAR

Fai SON POIAR e DESCENDRE. (2)

Giraud de Borneil: Honratz es hom.

Rég. Ind. avec article.

Messatgier, vai, e no m' en prezes meinhs,

S' ieu DE L' ANAR vas mi dons sui temens. (3)

Bernard de Ventadour: Quant erba.

Ma dompna m fo, AL COMENSAR,

Francha e de bella conpaigna. (4)

Bernard de Ventadour: Estat ai.


Aux verbes employés substantivement s' attachent, comme aux véritables substantifs, les pronoms possessifs, démonstratifs, etc., et tous les différents adjectifs; en un mot, ces verbes remplissent entièrement les fonctions des substantifs ordinaires.

La langue romane emploie aussi substantivement les adjectifs, quand elle s' en sert d' une manière impersonnelle; j' en donnerai des exemples dans le chapitre suivant.

(1) Avec celer et avec souffrir
Je lui serai homme-lige et serviteur.
(2) Et tel est en grand monter
A qui la roue en brief tourner
Fait son monter et descendre.
(3) Messager, va, et ne m' en prise moins,
Si moi de l' aller vers ma dame suis craintif.
(4) Ma dame me fut, au commencer,
Franche et de belle société.


Adjectifs

Grammaire de la Langue Romane. Chapitre Premier.

Grammaire de la Langue Romane.

Les règles de la grammaire romane sont classées dans l' ordre établi pour en présenter les éléments. Il serait donc superflu de répéter la plupart des observations déja faites.

D' ailleurs j' expose les principes de cette langue, non pour instruire des personnes qui auraient à la parler, mais pour faciliter l' intelligence des ouvrages romans à celles qui voudront les étudier et les comprendre.

Les connaissances que je dois supposer à ces personnes me dispensent de leur rappeler les définitions et les préceptes qui se trouvent dans toutes les grammaires.

Des exemples justifieront constamment l' indication des règles.

Ces exemples seront pris ordinairement dans les écrits, soit en prose, soit en vers, dont les auteurs auront vécu avant la fin du XIIe siècle.

Chapitre Premier.


Articles.

Masculin. Féminin.

Sing. el, elh, lo, le, la, il, ill, ilh, la del, de lo, du, de la, de la

al, el, a lo, au, a la à la

Plur. Els, elhs, los, 

li, il, ill,    les, las, les

dels, des, de los, de li, des, de las, des

als, as, a los, a li, aux a las, aux

Voici des exemples de l' emploi de ces différents articles, soit comme sujets, soit comme régimes directs ou indirects.


Sing. masc. El, elh, lo, le, sujet.

EL pan fo cautz, EL vin fon bos. (1: Le pain fut chaud, le vin fut bon.)

Comte de Poitiers: En Alvernhe.

Elh diable gardec lo de mort. (2: “Le diable le sauva de la mort.”) 

Philomena, fol. 60.

Tot Lo joy del mon es nostre,

Dompna, s' amduy nos amam. 

(3: Tout le bonheur du monde est nôtre,

Dame, si tous les deux nous nous aimons.)

Comte de Poitiers: Farai chansoneta.


Sing. masc. EL, LO, le, régimes directs.

Peire, Lo dormir e 'L sojorn 

Am mais qu' EL rossignol auzir. (1)

Bernard de Ventadour: Amics.

Sing. masc. DEL, DE LO, du, AL, EL, A LO, au, régimes indirects.

Chantars no pot gaire valer,

Si d' ins DEL cor no mov lo chans; (mov : mou; d' ins : dins)

Ni chans no pot DEL cor mover, 

Si no y es fin amors coraus. (2) 

Bernard de Ventadour: Chantars.

Juli Cesar conquis la senhoria

De tot LO mon, tan cum ten ni garanda. (3)

Arnaud de Marueil: Aissi com cel.

“LO creator de tot LO mon.” (4)

Philomena, fol. 94.

EL capitoli, lendema AL dia clar. (5)

Poeme sur Boece.

Metge querrai AL mieu albir. (6)

Comte de Poitiers: Farai.

(1) Pierre, LE dormir et LE repos

J' aime plus que LE rossignol ouir.

(2) Chanter ne peut gueres valoir,

Si de dedans DU coeur ne meut le chant;

Et chant ne peut DU coeur mouvoir,

Si n' y est délicat amour affectueux.   

(3) Jules César conquit la seigneurie

De tout LE monde, autant comme il tient et renferme.

(4) "Le créateur de tout le monde." 

(5) AU Capitole, le lendemain AU jour clair.

(6) Médecin je chercherai AU mien chagrin.


Amicx, ben leu deman morras; 

E doncx, pos seras mes EL vas, 

Aver pueis que te faria? (1) 

Rambaud d' Orange: Nueg e jorn.

Qu' a tot LO mon s' en fez, qui 'n vol ver dir,

Als us doptar, et als altres grazir. (2) 

Gaucelm Faidit: Forz chausa.


Plur. masc. ELS, ELHS, LOS, LI, ILL, IL, les, sujets.

ELS riu son clar de sobre los sablos. (3)

Bernard de Ventadour: Belh Monruel.

"Elhs Sarrasis fugiro tota la nueyt." (4)

Philomena, fol. 54.

Vers es que LOS cors son essems

E ja no s partiran nulh temps. (5)

Arnaud de Marueil: Dona sel que.

“Quascuna de las parts partic se, LOS crestias gausens, Elhs Sarrasis dolens." (6)

Philomena, fol. 74.

Car LI ris e LI joc

An lur temps e lur loc. (7)

Arnaud de Marueil: Rasos es.


(1) Ami, peut-être demain tu mourras;

Et donc, après que tu seras mis AU tombeau,

Richesse puis què te fairait?

(2) Qu' A tout LE monde il s' en fit, qui en veut vrai dire,

Aux uns craindre et AUX autres agréer.

(3) Les ruisseaux sont clairs sur le sable.

(4) "LES Sarrasins fuirent toute la nuit." 

(5) Vrai est que LES cœurs sont ensemble 

Et jamais ne se sépareront en nul temps.

(6) "Chacune des parties sépara soi, LES chrétiens contents, LES Sarrasins dolents." 

(7) Car LES ris et LES jeux

Ont leur temps et leur lieu.


Aras non sai cum s' anara de me,

Tant son LI mal gran e petit LI be. (1) 

Cadenet: Ben volgra. 

E ILL ram son cubert de fuoilha. (2)

Bernard de Ventadour: Bel m' es quan.

Abans que IL blanc puoi sion vert. (3) 

P. d' Auvergne: Abans que. 


Plur. masc. ELS, LOS, ILL, LI, les, régimes directs.

C' aissi s conven c' om los essai

Ab ira 'LS us, autres ab jai,

Ab mal LOS mals, ab be LOS bos. (4)

Pierre Rogiers: Senher Raimbaut.

"Vedia que tolt LOS sujets." (5)

Acte de 1025. Hist. du Languedoc, Pr. t. 2.

E mantenrai LOS frevols contra 'LS fortz. (6)

Rambaud de Vaqueiras: Ges sitot.

ILL crozat vau reptan. (7)

Bertrand de Born: Ara sai.

Paguesan LI fameiant e LI errant endreycesan. (8)

La Nobla Leyçon.


(1) Maintenant je ne sais comme il s' en ira de moi,

Tant sont LES maux grands et petits LES biens. 

(2) Et LES rameaux sont couverts de feuille. 

(3) Avant que LES blancs sommets soient verts.

(4) Qu' ainsi il convient qu'on les éprouve 

Avec tristesse LES uns, autres avec joie, 

Avec mal LES mauvais, avec bien LES bons.

(5) “Empêche que enlève LES sujets." 

(6) Et je maintiendrai LES faibles contre LES forts.

(7) LES croisés je vais accusant.

(8) Nourrissent LES affamés et LES errants dirigeassent.


Plur. masc. DELS, DES, DE LOS, DE LI, des, rég. indir.

ALS, AS, A LOS, A LI, aux.

L' esser e la maniera

DELS avols e DELS bos,

DELS malvatz e DELS pros. (1)

Arnaud de Marueil: Rasos es.

El dolz chanz DES ausels per broill

M' adolza lo cor e m reve. (2)

Bernard de Ventadour: Quan par la flors.

E m platz quan la treva es fraicha

DES Esterlis e DELS Tornes. (3) 

Bertrand de Born: Guerra e treball.

Doncs sai eu ben que mi dons ten las claus

De totz LOS bes qu' ieu aten ni esper. (4)

Berenger de Palasol: Tan m' abelis.

E aurian la victoria DE LI nostre enemics. (5) 

La Nobla Leyçon. 

Lausenjador fan encombriers

ALS cortes et ALS dreituriers. (6)

Rambaud d' Orange: Als durs.


(1) L' être et la manière

DES vils et DES bons,

DES mauvais et DES preux.

(2) Le doux chant DES oiseaux par bois

M' adoucit le coeur et me ranime.

(3) Et me plait quand la treve est rompue

DES Sterlings et DES Tournois.

(4) Donc sai je bien que ma dame tient les clefs

De tous LES biens que j' attends et espère.

(5) Et aurions la victoire DE LES nôtres ennemis. 

(6) Medisants font obstacles

AUX courtois et AUX sincères.


A vos volgra mostrar lo mal qu' ieu sen

E AS autres celar et escondire. (1) 

Folquet de Marseille: Amors merces.

Na Johana d' Est agensa

A tos LOS pros ses falhensa. (2)

Bernard de Ventadour: En aquest.

E en Orient aparec una stella A LI trei baron...

E dis A LI apostol que bategesan la gent. (3) 

La Nobla Leyçon.


Singulier fém. LA, IL, ILH, ILL, la, sujet.

Qu' eissament trembli de paor

Com fa LA fuelha contra 'l ven. (4)

Bernard de Ventadour: Non es meraveilla.

Domna, IL genser de las gensors. (5)

Blacasset: Ben volgra. 

S' ILH voluntatz non es engaus. (6)

Bernard de Ventadour: Chantars no pot.

Apodera, domna, vostra beutatz

E LA valor, e 'l prez, e ILL cortesia,

Al meu semblan, totas cellas del mon. (7) 

Gaucelm Faidit: Tot atressi.


(1) A vous je voudrais montrer le mal que je sens

Et AUX autres celer et cacher.

(2) Dame Jeanne d' Est plait

A tous LES preux sans manquement.

(3) Et en Orient apparut une étoile A LES trois princes...

Et dir A LES apôtres qu' ils baptisassent la gent.

(4) Que pareillement je tremble de peur

Comme fait LA feuille contre le vent.

(5) Dame, LA plus gente des plus gentes.

(6) Si LA volonté n' est égale.

(7) Surpasse, Dame, votre beauté

Et LA valeur, et LE prix, et LA courtoisie,

Au mien avis, toutes celles du monde.


Singulier féminin: LA, la, régime direct.

E am del mon LA bellazor

Domna, e LA plus prezada. (1)

Rambaud d' Orange: Mon chant.

Am LA meillor dona qu' ieu sai

E LA plus bela qu' anc dieus fe. (2)

Pons de la Garde: Ben es dreitz.


Sing. fém. DE LA, de la, A LA, à la, rég. indirects.

Tant soi aprochatz de La fi. (3)

Comte de Poitiers: Pus de chantar.

Chanso, vai t' en A LA melhor. (4)

Arnaud de Marueil: A guiza.

A LA mort no s pot escremir

Reis, ni coms, ni ducx, ni marqis. (5) 

P. d' Auvergne: Cui bon vers.


Pluriel féminin: LAS, les, sujet.

LAS donas eyssamens

An pretz diversamens;

LAS unas de beleza,

LAS autras de proeza. (6)

Arnaud de Marueil: Rasos es.

(1) Et j aime du monde LA plus belle

Dame, et LA plus prisée.

(2) J' aime LA meilleure dame que je sache

Et LA plus belle qu' oncques Dieu fit.

(3) Tant suis approché DE LA fin.

(4) Chanson va-t'en A LA meilleure.

(5) A LA mort ne se peut dérober

Roi, ni comte, ni duc, ni marquis.

(6) LES dames pareillement

Ont prix diversement;

Les unes de beauté

Les autres de vertú.


Pluriel féminin: LAS, les, régime direct.

Si sen d' amor LAS trebalhas ni 'ls maus. (1)

Arnaud de Marueil: La cortezia.

Qui fai LAS flors espandir per la planha. (2)

Pons de Capdueil: Leials amors.


Plur. fém. DE LAS, des, A LAS, aux, rég. indirects.

Dona, no us puesc lo sente dir

DE LAS penas ne del martir. (3) 

Arnaud de Marueil: Dona genser.

DE LAS donas me desesper;

Jamais en lor no m fiarai. (4)

Bernard de Ventadour: Quan vei la laudeta.

Belha domna, de cor y entendia

Dieus, quan formet vostre cors amoros; 

E par y be A LAS belhas faissos. (5)

Giraud le Roux: Ara sabrai.

“La tenc A LAS fons e fo son payri." (6) (payre : payri; chap. “La va tindre a les fons (bautismals) y va sé son padrí.”)

(1) S' il sent d' amour LES angoisses et LES maux.

(2) Qui fait LES fleurs épanouir par la plaine. 

(3) Dame, je ne vous puis le centième dire

DES peines ni du martyre.

(4) Des dames je désespère;

Jamais en elles ne me fierai.

(5) Belle dame, de coeur s' y appliquait

Dieu, quand il forma votre corps amoureux;

Et paraît y bien AUX belles formes.

(6) “Il la tint AUX fonts et fut son parrain.”


Les noms propres ne prennent point l' article.

Per zo no 'l volg Boecis a senor. (1) Poëme sur Boece.

"E Karles Maines dix: Adonques aissi sia, si a Thomas platz et a totz." (2)

Philomena, fol. 5.

Eissamen m' es per semblansa

Com de Peleus la lansa,

Que del seu colp no podi' hom garir,

Si autra vez no s' en fezes ferir. (3)

Bernard de Ventadour: Ab joi.

Souvent l' article n' est pas mis devant les substantifs romans.

"E Karles, quant o hac ausit, fe gracias a Dieu e lauzors." (4) Philomena, fol. 19.

Et sur-tout en poésie:

Ieu conosc ben sen e folhor

E conosc anta et honor

Et ai ardimen e paor. (5)

Comte de Poitiers: Ben vuelh.

(chap. Yo conec be lo señ y la locura

y conec la honta (deshonor) y lo honor

y tinc o ting ardimén (valentía; soc valén) y paor (temó, po). - Un contraste mol majo y ben fet)


(1) Pour cela ne le voulut Boece à seigneur.

(2) “Et Charlemagne dit: Donc ainsi soit, si à Thomas plait et à tous." 

(3) Pareillement il m' est par similitude

Ainsi que d' Achille la lance, (Peleus, le père, : Achille : Aquiles)

Car de son coup ne pouvait homme guérir,

Si une autre fois ne s' en faisait férir.

(4) "Et Charles, quand cela eut oui, rendit graces à Dieu et louanges." 

(5) Je connais bien sens et follie

Et connais honte et honneur

Et ai audace et peur.


Pros domna conoissens,

En cui es pretz e sens

E beutatz fin' e pura

Que natura y mes. (1)

Arnaud de Marueil: Franquez' e noirimens.


Parfois la suppression de l' article a pareillement lieu après les prépositions.


Paratge d' auta gen, 

Poder d' aur ni d' argen 

No us daran ja bon pretz, 

Si ric cor non avetz. (2)

Arnaud de Marueil: Rasos es.


Si no m baiza 'n cambr' o sotz ram. (3)

Comte de Poitiers: Farai chansoneta.


(1) Généreuse dame savante,

En qui est prix et sens

Et beauté fine et pure

Que nature y mit.

(2) Parenté de haute gent,

Pouvoir d' or ni d' argent

Ne vous donneront jamais bon prix,

Si noble coeur vous n' avez.

(3) Si elle ne m' embrasse en chambre ou sous feuillage.

L' article qui précède la plupart des noms substantifs est aussi placé au-devant de la plupart des autres noms qui sont employés substantivement.

Il sert ordinairement à distinguer les genres, les nombres, et quelquefois le sujet, le régime.

Quelquefois, devant plusieurs substantifs exprimant des noms propres, génériques, qualificatifs, etc., la langue romane, au lieu d' indiquer par l' article DEL, DE LA, etc., un rapport de génitif, supprima non seulement le signe de l' article, mais encore la préposition DE.

Morrai pel cap... Sanh Gregori. (1)

Comte de Poitiers: Farai chansoneta.

Lo servici... nostre seignor. (2)

P. d' Auvergne: Bella m' es.

Cette forme, qui n' est qu' une exception à la règle générale, se trouve dans le serment de 842 PRO... DEO AMUR (3), et l' inversion qui, dans cet exemple, place le génitif DEO ou DEU avant le substantif qui le gouverne, est restée en usage dans la langue romane.

Pro... Deu amor, ben savez veramen. (4)

Folquet de Marseille: Pro Deu amor.

La plupart des voyelles finales ou initiales des articles s' élident souvent; comme:

l' pour lo, la

'l, 'lh, 'll pour el, elh, il, ilh, ill

'ls, 'lhs pour els, elhs, etc, etc.

L' H ajouté aux articles ou aux pronoms personnels et démonstratifs ne change en rien leur nature. Ainsi on trouve:

Elh, elhs, ilh, elha, elhas pour el, els, il, ela, elas. Etc.

Et de même avec les prépositions DE et AD.

(1) Je mourrai par le chef (DE) saint Grégoire.

(2) Le service (DE) notre Seigneur.

(3) "Pour (DE) Dieu l' amour." 

(4) Pour (DE) Dieu l' amour, bien savez vraiement.

Substantifs