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dijous, 14 de desembre del 2023

Lexique roman. Tome second. 1836. Introduction.

Tome second.

1836.


Introduction.

Dans ce travail préliminaire je recherche et j' expose les nombreuses affinités; les rapports souvent identiques; des six langues néolatines:

La langue des troubadours,

La langue catalane,

La langue espagnole,

La langue portugaise,

La langue italienne,

La langue française.

J' entreprends, pour la lexicographie de ces idiômes, ce que j'ai tâché d' exécuter pour la comparaison de leurs formes grammaticales.

(1: Voyez le tome VI du Choix des Poésies originales des Troubadours; des exemplaires de ce volume avaient été tirés à part, sous le titre de Grammaire comparée des Langues de l' Europe latine dans leurs rapports avec la Langue des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1821 y in-8.)

J' ose espérer que le résultat de mes investigations démontrera  évidemment l' origine commune des diverses langues de l' Europe latine, et ne laissera plus aucun doute sur l' existence ancienne d' un type primitif, c'est-à-dire d' une langue intermédiaire, idiôme encore grossier sans doute, mais qui pourtant était dirigé par des principes rationnels, notamment quand il s' appropriait, sous des formes nouvelles, plusieurs des mots de la langue latine.

A l' époque où l' irruption des hordes du Nord eut conquis, ou pour mieux dire dévasté les provinces méridionales de l' empire romain, les hommes de l' invasion d' abord campés sur les débris de cet empire, et les anciens habitants qui avaient échappé aux périls et aux malheurs de la destruction, éprouvèrent également le besoin d' exprimer les uns aux autres les idées, les sentiments qui, à chaque jour, à chaque heure, à chaque instant, exigeaient une rapide et intime communication: mais les anciennes populations n' entendaient presque plus la langue latine, et les étrangers l' entendaient moins encore.

Cette crise morale et politique, ces nécessités réciproques, favorisèrent la création d' une nouvelle langue dérivée du latin, ce fut la romane rustique. (1: Voyez les Éléments de la Langue romane avant l' an 1000; tome Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1816.)

Me demandera-t-on à quelle époque précise la langue latine, ainsi modifiée et remaniée, devint un nouvel idiôme à l' usage des populations qui occupaient le midi de l' Europe?

Je répondrai, sans hésiter, que la transmutation était, sinon entièrement achevée, du moins très avancée, lors des serments de 842; j' aurais pu même dire long-temps avant ces serments, puisque leur existence suppose un langage déjà convenu dans une nation, entendu et compris par les princes, les grands et le peuple, qui figurèrent tour à tour dans ces actes solennellement politiques.

Ces serments ont conservé et transmis des exemples, des fragments, sans doute trop peu considérables de cette rustique romane, annoncée comme populaire dans les conciles de 813; toutefois ces débris suffisent à constater l' existence d' un idiôme fortement esquissé, qui déjà se suffisait à lui-même, parce qu' il possédait les habiles moyens de former, d' après un système à la fois facile et arrêté, les mots nécessaires aux communications de la famille et de la société, et à la marche de la civilisation; aussi j' ose dire que les serments de 842 n' appartiennent pas seulement à une époque de création, mais encore à une époque de progrès.

Cet idiôme rustique roman était évidemment celui des habitants de l' empire français, sujets de Charles-le-Chauve, auxquels s' adressait le serment de Louis-le-Germanique, comme parties intéressées à son exécution, et qui eux-mêmes, se rendant garants des promesses de Charles-le-Chauve leur prince, répondirent dans le même langage.

Je l' ai déjà dit, et je le répète: le style de ces serments est encore grossier et informe; il paraît barbare aux personnes qui n' ayant pas fait une étude approfondie des langues néolatines, n' ont pas étudié leur origine, et, pour ainsi dire, assisté à leur formation, aussi simple qu'  ingénieuse; mais j' espère fournir les moyens de juger moins sévèrement cette romane rustique.

Mettrai-je sur le compte des copistes quelques fautes de transcription qui leur sont évidemment échappées? Non, sans doute. Ne suffit-il pas que les textes des deux serments offrent, dans leur ensemble et dans leurs détails, plusieurs accidents lexicographiques et grammaticaux, singulièrement remarquables et incontestablement décisifs, soit par leur existence en 842, soit par leur influence sur les langues de l' Europe latine?

Voici le texte de ces serments:

Serment de Louis le Germanique.

Pro Deo amur et pro xristian poblo et nostro commun salvament d' ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in ajudha et in cadhuna cosa; si cum om per dreit son fradra salvar dist, in o quid il mi altresi fazet; et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. 

(1: 

1.° Les lettres capitales indiquent les mots qui sont restés dans une ou plusieurs des langues néolatines;

2°. Les lettres italiques, les mots qui, avec une très légère modification, telle que le changement ou la suppression d' une voyelle, d' une consonne, appartiendraient à une ou plusieurs de ces langues;

3°. Les caractères romains désignent les mots purement latins;

4°. Les gothiques, les mots qui n' entrent dans aucune de ces trois classifications.)

Serment du peuple français.

Si Loduuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat, et Karlus, meos sendra, de suo part non lo stanit; si io returnar non l' int pois; ne io, ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla ajudha contra Loduwig nun li iver.

Observations sur les serments.

Dans le serment de Louis-le-Germanique se trouve le mot salvament; il n' était pas fourni par la langue latine, qui n' a que salvatio.

Qu'on ne soit pas surpris de cette transmutation; la romane rustique possédait déjà l' artifice lexicographique de s' approprier la racine des mots latins, et d' y adapter des désinences différentes et spéciales. 

(2: Le mot salvamentum, comme latin de basse latinité, paraît, en 857, employé dans une allocution de Charles-le-Chauve, qui pourrait bien n' être que la traduction d' un texte roman, et qui conserve beaucoup des tournures des serments de 842.)

C'est une circonstance très remarquable que ce remaniement du mot salvatio par la romane rustique, mais ce qui est plus étonnant c'est que le substantif Salvament se retrouve dans les six langues néolatines:

Troubadours. Salvament. Cat. Salvament. Esp. Salvamiento.

Port. Salvamento. It. Salvamento. Fr. Saulvement.

M' accusera-t-on de me faire illusion quand je trouve, dans un fait aussi frappant, la preuve d' une antique et incontestable affinité entre les langues néolatines, c'est-à-dire l' évidence d' un type commun, d' après lequel chacune s' est ensuite développée, en s' abandonnant au caractère particulier qui l' a distinguée?

Objectera-t-on que c'est là un phénomène qu' une série de circonstances heureuses a produit? Je répondrai en citant un autre mot qui, dans le même serment, offre une pareille transformation. C'est le mot roman Ajudha au lieu d' Adjutorium latin; la rustique romane avait changé ce dernier substantif neutre en un substantif féminin roman, Ajudha, employé dans le serment de Louis-le-Germanique et dans celui du peuple français. (1)

Ce même mot, dont la transmutation était jusqu'à présent restée inaperçue, comme celle de salvatio en salvament, se retrouve aussi dans les six langues néo-latines.

Troub. Ajuda. Cat. Ajuda. Esp. Ayuda.

Port. Ajuda. It. Ajuto. Fr. Ajude.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, il est un substantif qui n' appartient pas à la langue latine, le mot Plaid, traité, accord, plaid. 

(2: Vossius, de Vit. Serm., lib. IV, p. 722-3.)

Ce mot est resté dans les six langues néolatines:

Troub. Play, plait. Cat. Plet. Esp. Pleyto (N. E. pleito; chap. pleite)

Port. Pleito. It. Piato. Fr. Plet, plaid.

Qu' il me soit permis d' appeler une attention plus spéciale sur le substantif indéterminé OM roman; d' homo latin, employé dans le serment de Louis-le-Germanique.

Non seulement OM y remplit la fonction de substantif indéterminé; comme il la remplit toujours dans la langue française; mais encore il paraît, par les plus anciens monuments des langues néolatines, que toutes l' avaient conservé avec la même acception.

Troub. Om, hom. Cat. Hom. Esp. Omne, ome.

Port. Ome. It. Uom. Fr. Hom, on.

Cette forme hardie, qui, par un seul substantif, exprime une pluralité indéterminée, est très ancienne dans les langues néolatines.

Le poëme de Boèce, écrit avant l' an 1000, en offre l' emploi.

No comprari' om ab mil libras d' argent. (v. 198.)

On n' achèterait pas avec mille livres d' argent.

Les lois de Guillaume-le-Conquérant; qui datent de la seconde moitié du XIe siècle; nous montrent plusieurs exemples de ce substantif indéterminé.

Et de tant os cum home trarad de la plaie.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XII.

Et d' autant d' os comme on tirera de la plaie.

Si femme est jugée à mort u à defaçum des membres, ki seit enceinte, ne faced l' um justice dès qu' ele seit delivrée.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XXXV.

Si femme, qui soit enceinte, est jugée à mort ou à destruction de membres, qu' on ne fasse justice jusqu'à ce qu' elle soit délivrée.

La langue latine n' avait pas indiqué aux peuples qui bégayaient la romane rustique cet art d' individualiser une généralisation et de faire connaître par un substantif spécial que plusieurs personnes pensent, parlent agissent, soit ensemble, soit de la même manière.

Que cette forme ait été inventée par la romane rustique, ou qu' elle ait été empruntée d' un idiôme alors existant, la création ou l' imitation, adoptée par toutes les langues néolatines; peut-elle laisser quelque doute sur l' existence d' un type commun et primitif?

La romane rustique présente deux fois, dans le serment de Louis-le-Germanique, l' adjectif relatif Cist, formé du latin hiC ISTe.

Une telle transmutation n' indique-t-elle pas une langue qui a l' art heureux de composer avec les éléments latins les mots qu' elle veut adapter aux besoins de l' expression?

Cadhun fut un mot singulièrement composé, puisque le radical Cada, auquel Un fut adapté, ne se trouve pas dans la langue latine.

Est-ce lors de ses premiers essais, et de ses tâtonnements encore indécis, qu' une langue nouvelle peut ainsi composer des mots hybrides? Non, sans doute; ce n' est que de progrès en progrès qu' elle parvient à s' approprier de telles ressources.

O, d' HOC latin neutre;

LO, régime, substantif relatif, le, s' appliquant aux choses;

L', élision de LO, régime, substantif relatif, personnel, le;

IL, substantif relatif, personnel, sujet, il;

LI, substantif relatif, personnel, régime indirect, à lui,

sont des créations ou transmutations qui démontrent un système grammatical et lexicographique déjà très avancé; une habileté très exercée dans l' art de dériver du latin les expressions nécessaires à la nouvelle langue.

Le que, adjectif relatif, qui est devenu à la fois sujet et régime dans toutes les langues néolatines, emprunté à l' accusatif latin quem, est un fait qu' il importe de signaler particulièrement. Ce que est devenu un mot essentiel et très usuel dans ces langues.

Troub. Que. Cat. Que. Esp. Que.

Port. Que. It. Che. Fr. Que.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, on lit l' adverbe altresi, composé d' alterum sic. Cette sorte de création lexicographique prouve évidemment l' existence non seulement actuelle, mais même très ancienne, de l' idiôme qui se donnait ainsi des adverbes composés. Ce fait seul serait très remarquable, très décisif; mais il y a plus, cet adverbe de la romane rustique s' est conservé dans les six langues néolatines.

Troub. Atresi. Cat. Altresi. Esp. Otrosi.

Port. Outrosi. It. Altresi. Anc. Fr. Altresi.

Cette décomposition de la langue latine et la recomposition romane ne démontrent-elles pas; jusqu'à la dernière évidence, que cette langue rustique, dont il nous reste ces deux fragments de l' an 842, possédait à un haut degré l' art de créer, avec les éléments latins, les mots qui lui convenaient pour exprimer ou plus clairement ou plus rapidement les sentiments et les idées?

De l' adverbe latin quomodo, la rustique romane, enlevant la désinence odo, produisit l' adverbe ou conjonction Quom, Cum, que les langues néolatines adoptèrent.

Joint à si; de sic latin, Com forma une conjonction composée qu' on trouve dans le serment de Louis-le-Germanique.

Le poëme de Boèce employa Cum et Sicum.

Lainz contava del temporal, cum es,

De sol et luna, cel et terra, mar, cum es.

Poëme sur Boèce, v. 97 et 98.

Là il contait du temporel, comme est;

De soleil et lune, ciel et terre, mer, comme est.

Si cum la nibles cobr' el jorn, lo be ma.

Poëme sur Boèce, v. 133.

Ainsi comme le brouillard couvre le jour, le bien matin.

Troub. Com. Cat. anc. Esp. anc. Port. anc. It. anc. Fr. Com.

It. mod. Come. Fr. mod. Comme.

Troub. Si com. Cat. Axi com. Esp. Así como.

Port. Assim como. It. Si come. Anc. Fr. Si com.

La préposition AB, employée dans le sens d' avec, comme le constate le serment de Louis-le-Germanique, n' est restée que dans la langue des troubadours et dans la langue catalane. (N. E. como si fueran distintas.)

Mais quoique AB n' ait pas été expressément conservé ou adopté par les autres langues néolatines, je dois dire que la préposition A, contraction évidente d' AB, quand elle offre le sens d' avec se retrouve dans ces langues. (1: (1) Voyez ci-après le Lexique roman, p. 3.)

N' était-ce pas aussi un habile remaniement de la langue latine que de former le verbe Retornar, employé deux fois dans le serment du peuple Français, dans le sens de ramener, détourner, en ajoutant l' augment RE au primitif latin tornare? (2: Voyez l' introduction contenant les preuves historiques de l' ancienneté de la langue romane, t. Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours, p. IX.)

Ce verbe de la romane rustique retornar, a aussi été adopté par les six langues néolatines:

Troub. Retornar. Cat. Retornar. Esp. Retornar.

Port. Retornar. It. Ritornare. Fr. Retourner.

J' ai annoncé l' existence d' accidents grammaticaux qui prouvent que la langue romane rustique avait créé ou adopté des formes spéciales, des principes caractéristiques. J' indiquerai notamment quatre de ces accidents dont l' existence est constatée par les serments de 842.

1°. Il en est un qui paraîtra de peu d' importance; toutefois, uni aux autres preuves, il sert à les corroborer.

Dans mes travaux précédents (1) j' avais eu occasion d' énoncer que les prépositions DE et A, qui dans l' organisation de ces langues suppléent, par leur action, au défaut des désinences indicatives des cas, étaient souvent supprimées devant les noms propres, et on sait que cette

forme est long-temps restée dans la langue française, qui, aujourd'hui même, en conserve encore des vestiges dans les mots Fête-Dieu, Hôtel-Dieu, etc., etc., où DE est supprimé.

(1: Grammaire romane, articles. - Grammaire comparée, etc., pages 20-22.)

Cette forme spéciale se trouve dans les serments de 842.

Pro () Deo amur; DE supprimé;

() Cist meon fradre in damno sit; A supprimé;

Que () son fradre Karlo jurat; A supprimé.


2.° La rustique romane, en acceptant les mots latins, retranchait ordinairement la désinence: de l' infinitif en ARE, elle fit AR, signe caractéristique du présent des infinitifs de la première conjugaison: 
aussi on lit dans les serments, Salvar, Returnar.

3° Un des artifices grammaticaux de la nouvelle langue, fut de composer son futur de l' indicatif, en adaptant, à ce présent de l' infinitif, le présent ou la désinence du présent du verbe haver; avoir.

Salvar suivi d' AI, première personne du présent de l' indicatif du verbe Aver, produisit la première personne du futur dans Salvarai. (1)

Prindrai fut formé de la même manière de l' infinitif Prindre, et d' AI première personne du présent de l' indicatif d' aver. (2)

Je ferai remarquer que l' existence de ces deux futurs, dans les serments de 842, démontre que la conjugaison du verbe aver employait AI à la première personne du singulier, et il est sans doute permis d' en conclure qu' à cette époque ce verbe possédait sa conjugaison régulière, telle qu' elle s' est trouvée établie par les preuves que des citations d' ouvrages très anciens ont fournies.

En effet, dans des actes de 960 (3) on trouve:

La seconde personne du singulier en AS, daras;

La troisième personne en A, devedara;

La première personne du pluriel en EM, darem;

La seconde en EZ, commonirez;

La troisième en AN, absolveran.

(1) J' ai eu occasion de dire et de prouver que le conditionnel roman fut formé de la même manière, en joignant au présent de l' infinitif l' imparfait ou la désinence de l' imparfait du verbe aver.

(2) Et ainsi des autres personnes:

Sing. 2e. Salvaras.

3e. Salvara.

Plur. Ire. Salvaravem.

2e. Salvaravetz.

3e. Salvaran.

De même de prindre, prendrai, prendras, prendra, etc.

(3) Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 40 et suiv.


L' ancien français offre des exemples frappants de la forme primitive de ce futur, quand, au lieu d' aurai, aura, il dit averai, averad.

Celui qui l' averad troved.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. VII.

Ou vuelle ou non, je l' averai.

Roman du Renart, Chabaille. Var., p. 182.

La langue des troubadours avait une sorte de futur composé an a far; 

l' espagnole dit encore ho a far, etc.

La langue portugaise, outre le futur ordinaire, avero, averas, etc. a conservé un futur composé:

Ho de aver, j'ai à avoir.

Has de aver, tu as à avoir.

Ha de aver, il a à avoir.

Si l' on m' oppósait que des langues néolatines terminent la première personne du futur au singulier, non par AI mais par È ou O, etc., je répondrais que cette circonstance même confirme le principe; car les langues n' ont pas HAI à la première personne du verbe aver (N. E. Lo chapurriau sí, hai o hay + partissipi), mais HÉ, HO, etc., etc.; ensuite elles prennent à la seconde et à la troisième, AS, A; en se conformant toujours à leur propre conjugaison du verbe aver.

L' existence des deux futurs contenus dans les serments de 842, permet donc d' admettre qu'à cette époque les règles des conjugaisons des verbes, et surtout celles du verbe aver, étaient établies, connues et observées.

4°. Mais la circonstance qui, dans les serments de 842, achève de constater l' existence parfaite de la langue romane rustique, c'est d' y trouver son caractère le plus essentiel, sa forme la plus spéciale, le signe qui dès lors distinguait le sujet du régime par la présence ou l' absence d' un S final.

On y remarque:

Sujets. Régimes.

Deus, Deo.

Loduuigs, Loduwig.

Karlus, Karlo, Karle.

Meos, Mon, meon.

Neuls, Nul.

Aucun S final n' accompagne les autres mots employés comme régimes, amur, salvament, xristian, fradre, dreit, Ludher, plaid, vol, sagrament, etc.

Ai-je besoin d' insister sur les conséquences qu' on peut tirer de l' existence de cette règle avant 842? Qui ne serait convaincu de l' ancienneté de la langue rustique primitive, quand on reconnaît que, dès cette époque, elle employait un mécanisme aussi simple et aussi ingénieux, et surtout aussi utile à la clarté du discours?

Tels sont les signes principaux qui révèlent dans les serments de 842 l' existence d' une langue déjà formée, soumise à des principes constants et à des règles fixes.

Ces serments contiennent cent quatorze mots.

Quatre-vingt-cinq (1) appartiennent à la romane rustique primitive, puisqu' ils se retrouvent dans une ou plusieurs des langues néolatines.

(1) En voici les preuves:

Deus, Deo.

Les troubadours avaient Deus, sujet; et Deu, régime.

Anc. Port. Qual dona Deus fez mellor pareçer?

Canc. do coll. dos Nobres de Lisboa, p. 58.

Anc. It. Deo, voce che s' incontra frequente negli antichi, sebbene non

sia per lo più in uso presso i moderni:

Sol per servire alla magion de Deo.

Guitt. d' (Arrezzo) Arezzo, Not. 371, p. 274.

Amur.

Anc. Fr. Ai-jo vers Deu greignur amur.

Marie de France, t. II, p. 412.

Et, Et, Et, Et, Et, Et, Et (1: Je crois devoir répéter les mots aussi souvent qu'ils se rencontrent dans les serments), a été employé dans toutes les langues néolatines; quelques unes, celle des troubadours, l' ancien français, l' italien, ont parfois supprimé le T, surtout devant une consonne; l' ancien catalan et l' ancien espagnol disaient E, et; ensuite ces langues ont adopté en place la conjonction Y (N. E. o I).

Xristian, de christianus, latin. Voilà une opération de la langue romane rustique sur la langue latine. Ce mot a été formé par le retranchement de la désinence latine, caractéristique du cas.

Les troubadours ont toujours employé christian.

Le catalan employa cristiá, l' A accentué équivalant à AN; l' espagnol,

le portugais, l' italien, ont seulement ajouté l' O final euphonique, qui

a produit christiano (N. E. cristiano).

L' ancien français conserva long-temps, surtout dans le style de la

chancellerie, le type primitif de la romane rustique. On lit encore

dans les ordonnances de Louis XI:

Nostre dit Saint Père, comme bon père, et pasteur du peuple chrestian.

Ord. des Rois de France, 1478, t. XVIII, p. 425.

Poblo. L' ancien espagnol employait ce mot, qu' il a depuis modifié en pueblo.

Voyez le Fuero juzgo, passim, et le Glosario de Voces antiguadas (anticuadas), etc., qui est à la suite.

Nostro.

Anc. Esp. It. Nostro.

Commun, de communis, latin. La langue rustique l' avait modifié en

commun par le retranchement de la désinence latine.


Troub. Comun. Cat. Esp. Commun (comú; común). Port. Commum. 

It. Commune. Fr. Commun.

Salvament. J' ai déjà fait observer que ce mot était le produit d' une

opération systématique de la langue romane primitive.

La langue des troubadours, le catalan et le français conservèrent * cette désinence; le français, dans ce mot, ainsi que dans beaucoup d' autres, changea l' A intérieur en E, l' espagnol, le portugais, l' italien, joignirent à MENT la finale euphonique O.

D', DE. DE, latin, fut adopté par la langue des troubadours, par le français, le catalan, l' espagnol, le portugais, et même par l' italien, qui aujourd'hui emploie di; mais jadis il avait employé DE.

Quoique les dictionnaires de la langue italienne n' indiquent pas cette particularité, elle est constatée par des exemples tirés des auteurs anciens.

Lo cor fu paventato

De la sua annunciata.

od. VI.

Ma de la temperanza e pietate

La misericordia sì e nata.

Jacopone da Todi, cant. II.


IST, CIST, CIST.

Ist, d' iste, latin; cist, d' hiciste, latin.

La langue des troubadours adopta ist, est.

Cette même langue, et celle des trouvères, conservèrent cist, et employèrent cest.

Les anciens écrivains italiens, entre autres Dante et Pétrarque, se sont servis d' ESTO, d' ESTA, mais on a prétendu, et le Tasse lui-même a partagé cette erreur (1: Dans ses annotations sur Dante.), qu' ESTE était la sincope de questo.

Il est évident qu' ESTO, italien, venait d' ist des serments de 842.

Le Vocabolista bolognese, p. 146 (2: Gio. Antonio Brunaldi, Vocabolista bolognese. Bologna, 1660, in-12.), cite d' anciens vers où on trouve:

Perch' egli è re del popol d' esto regno.

Ainsi, il faut admettre que l' italien avait conservé cet esto comme la langue des troubadours et les autres langues de l' Europe latine.

Troub. Ist, est, cist, cest. cat. Est. Esp. Port. Este, isto.

It. Esto, questo. Fr. Cist, cest.

Di, de Dies, latin, resté dans la langue italienne, se trouve dans l' ancien français; les troubadours ont employé DIA. Il ne paraît pas invraisemblable que le passage du serment DI EN eût subi en DI l' élision de l' A, Dia en; mais je renonce à ce qui n' est que conjectures, quelque fondées qu' elles paraissent.

En, de IN, latin.

Ici la langue rustique romane a elle-même changé l' I en E.

Toutes les langues néolatines adoptèrent cet EN.

Troub. Cat. Esp. En. Port. Em. Anc. It. Fr. En.

Les grammairiens et les lexicographes italiens ont reconnu que l' ancien italien usait d' EN au lieu d' IN; ce qui n'est pas surprenant, puisque EN et IN sont également employés dans les serments. Mais il est á remarquer, au sujet d' ist di EN avant, qu' EN est mêlé dans une phrase formant un adverbe composé; ce qui permet de croire que cet EN était très ancien dans la romane rustique.

Vedi da che sei indulto

En ogni opra que vuoi fare.

Jacopone da Todi, lib. II, cant. 30.

En questa gloria di mala ventura.

Jacopone da Todi, lib. V, cant. 23.


Avant.

Troub. Cat. Avant. Anc. Esp. avante. Anc. Port. Aván. Fr. avant.


In, in, in, in, in, in.

On trouve dans le poëme sur Boèce:

Tot a in jutjamen. (v. 17.)

Tout a en jugement.

IN est resté dans la langue italienne.


Quant.

Troub. Cat. Quant. Esp. Port. It. Quanto (cuanto). Fr. Quant.


Mi, Mi.

Troub. Cat. Esp. Me, mi. Port. Me, mim. It. anc. Fr. Me, mi.

Fr. mod. Me, moi.


Si, si, adverbes d' affirmation, de SIC.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Si. 

(N. E. No olvidar el oc, òc, och, hoc afirmación)

Si, si, conjonction conditionnelle, du latin SI.

Troub. Cat. Esp. Si. Port. It. anc. Fr. Se. Fr. mod. Si.


Salvarai, salvar. Deux formes grammaticales essentielles de la langue rustique romane, dont il a été parlé page XI.


Eo, Eo, d' Ego,

L' ancien italien a employé EO, comme la langue des troubadours,

et le portugais EU.

In questa gente ch' EO descrivo adesso...

Barberini, Docum. d' amore, p. 35 et 107.

Ce serait ici le lieu de comparer quelques uns de ces quatre-vingt-cinq mots de la langue romane rustique avec les analogues des anciennes langues germaniques et des divers idiômes du Nord; j' ose croire qu' il en résulterait sans doute des rapports curieux, et peut-être d' utiles éclaircissements sur les origines de plusieurs des langues européennes.

Je me borne à constater un fait grammatical qui me semble de haute importance. 

J' ai prouvé que la romane rustique et toutes les autres langues néolatines ont admis le substantif indéterminé, HOM, om, on, d' homo, latin, pour exprimer une généralité de personnes.

Cette forme grammaticale a existé aussi très anciennement dans les langues germaniques et dans celles du Nord.

Le dictionnaire d' Alberti dit expressément d' eo, “che si trova frequentemente negli antichi poeti.”

Fradre, fradre, fradre, du latin fratrem.

Troub. Fraire. Cat. Frare. (N. E. chapurriau flare.)

Anc. Esp. Los fradres de la casa, omes bien acordados.

V. de S. Millán, cop. 351.

It. Frate. Fr. Frère.


Karlo, Karlo, Karle, de Karolus, latin.

Troub. Cat. Carle (Karles). Esp. Port. It. Carlo. (Carlos) Fr. Carle.


Ajudha, ajudha. Voyez page IV.


Cadhuna, j' ai déjà dit que c'est un mot hybride de la romane rustique, Voyez page VII.

Troub. Cada us. Cat. Cada hú. Esp. Cada uno. Port. Cada hum.


Cosa, du latin causa. Il est resté en italien.


Cum, de quomodo. Voyez page VIII.


Om, d' homo. Voyez p. VI.


Per, du latin per. Cette préposition a été adoptée par les troubadours, par la langue catalane et par la langue italienne.

On la retrouve dans l' ancien espagnol:

Fablar curso rimado per la quaderna via...

Cuemo se partet mundo per treb particion.

Poema de Alexandro, cop. 2 et 254.

Voyez le Glosario de Voc. antig., placé après le Fuero juzgo.

Anc. Port. Per flechas que eron lançadas.

Coronica del re D. Joanno, part. II, p. II.

Port. mod. Pera.

Au reste, on lit dans Paul Orose (Paulo Orosio), lib. VII:

Ante biennium romanae irruptionis, excitatae PER Stiliconem gentes

Alanorum. (N. E. alanos)

Et dans la Chronique d' Idace:

Superatis per Aetium in certamine Francis...

De Africa per Placidiam evocatus.

Rec. des Hist. de Fr., t. 1, p. 597 et 617.


Dreit, du lat. directum.

Troub. Dreit. Cat. Dret. Esp. Derecho. Port. Diricto. It. Dritto. Fr. Droit.
(N. E. aragonés dreito, dreyto; ver drecho)


Son, son, de suum.

Troub. Cat. Son. Anc. Esp. So. (moderno su)

Mandato de so señor todo lo han a far. Poema del Cid, v. 434.

L' italien a aussi employé so.


O, d' hoc, latin; cela, le.

La langue des troubadours a conservé cet o.

On le retrouve dans l' ancien portugais:

Que assi o provaria.

Doc. de 1315. Elucidario, t. I, p. 451.


Il, lo, l', li, substantifs relatifs.

Il, d' ille, est resté dans le français comme sujet, et a été employé parfois en italien comme régime.

Lo, l', s' est retrouvé dans toutes les langues néolatines.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Lo.

D' une part, ce conseil lo trait...

Que c' il tainent lo chapelain,

Il lo metront en mal pelain.

Nouv. rec. des fabl. et cont. anc., t. 1, p. 116 et 117.


Li, du latin illi.

Troub. Li. anc. Esp. Lli. It. Fr. Li.


Altresi. Voyez page VIII.


Ab. Voyez page IX.


Ludher, régime venant du latin Lotharius. (N. E. Alemán Luther, Lutero)


Nul, nulla, du latin nullus.

Troub. Cat. Nul. It. Nullo. Fr. Nul.

En cette acception, nul manque à l' espagnol et au portugais.


Plaid. Voyez pages V et VI.


Prindrai. Voyez page XI.


Qui, que, cui, du latin qui, quem, cui.

Qui, cui ont été conservés du latin.

Troub. Qui, cui, que. Anc. Cat. Que. Esp. Qui, que.

Port. Que. It. Che, cui, que. Fr. Cui, qui, que.


Vol, de l' indicatif du verbe volo.

Ce substantif, conservé par les troubadours, a été aussi adopté par

l' ancien français.

Troub. Don ieu dic que escurols

Non es plus lieus que sos vols.

R. de Tors de Marseille: Ar es dretz.

D' où je dis qu' écureuil n' est pas plus léger que sa volonté.   

Anc. Fr. Incontinent à son vueil obéirent.

Salel, trad. de l' Iliade, p. 127.


Loduuigs, Loduwig. Voyez page XIII. (Ludwig, Luis, Louis; Ludovico)


Sagrament, de sacramentum, conservé par les troubadours, le catalan et le français, avec la finale ment; et par les autres langues, en ajoutant à ment l' o euphonique.


Part, de l' accusatif latin partem.

Troub. Cat. Part. Esp. Port. It. Parte. Fr. Part.


Non, non, négation adoptée par toutes les langues néolatines.

Troub. Non, no. Cat. No. Esp. Non, no. Port. Não. It. Non, no. 

Fr. Non.


Jo, jo. Jo a été français et italien, yo espagnol (N. E. y catalán antes de Pompeyo Fabra). L' O, changé en EU, a produit chez les troubadours ieu, eu, et chez les Portugais eu; et depuis, changé en E, je dans la langue française.

Returnar. Voyez pages IX et X.


Ne, ne, de Nec, ni, latins, a été adopté par l' ancien provençal, par le français et par l' italien.

L' ancien espagnol l' avait employé:

En sacos ne en guilmas non podian caber.

Poema de Alexandro, cop. 1400.


Contra, du latin contra.

Adopté par toutes les langues de l' Europe latine, le français ayant seul changé l' A en E.


Le mot MAN, homme, a eu dans ces idiômes l' acception générale, et de plus l' acception particulière de substantif indéterminé.

Cette double acception se trouve dans l' anglo-saxon, dans le gothique d' Ulphilas.

Wachter, Gloss. germ., pense que cette forme a été fournie aux langues du Nord par la langue gothique. On trouve dans la traduction des Évangiles, par Otfrid:

Za nuzze grebit man ouh tar.

Ad utilitatem fodit homo quoque ibi,

Otfrid, Evang., lib. I, cap. 1, v. 137.

Voyez Ihre, Gloss. suio-gothic.

En danois, en suédois, en hollandais, en allemand (Mann; English man), MAN, substantif masculin, a conservé l' acception générale d' homme et l' acception particulière donnée à ON, roman. (N. E. alemán, man sucht, se busca, man macht, se hace, man weißt es nicht, no se sabe, etc.)

Je crois avoir prouvé que quatre-vingt-cinq mots des serments appartiennent à la romane rustique primitive.

Quant aux mots restants, 1°. il s' en trouve cinq purement latins. (1: Pro, pro, quid, damno, sit.)

2°. Cinq autres n' entrent dans aucune des classifications que j'ai indiquées; ils ne sont ni romans, ni latins. (2: Dist, doit; fazet, fera; stanit, tient; sendra, seigneur; iver, j' irai.)

3°. Dix-neuf mots peuvent, avec la plus légère modification, être comptés parmi ceux de la langue romane. (3:

Dunat, changé en dona par le changement de l' U en O et par la

suppression du T final.

Conservat, conserva,

Jurat, jura.)


Cette suppression en fait des troisièmes personnes du singulier au présent de l' indicatif roman.

Troub. Cat. Esp. Port. It. Dona, conserva, jura.

Le français a changé l' A final roman en E muet: donne, conserve,

jure.

Nunquam: il suffit de retrancher l' m.

Mica nonqua la te. Poëme sur Boèce, v. 14.

Mie jamais la tient.

Troub. Nonca. Cat. anc. Esp. Port. Nunca. Anc. Fr. Nonques.

Karlus, roman Carles (N.E. como Karles Puigdemont.).

Savir, podir; par une légère transmutation, saber, poder.

Troub. Cat. Esp. Port. Saber, poder. It. Sabere, potere. Anc. Fr. Saver, poer.


Meon, meon, meon.

Troub. Fr. Mon. (N. E. en chapurriau tamé: mon pare, mon germá, etc.)


Meos.

Troub. Meus. (N. E. en chapurriau tamé; estos llibres son meus.)


Fradra. Voyez page XVII, fradre.

Suo.

Troub. Sua.


Int, d' inde, latin.

Troub. Ent.

Ella 's ta bella reluz ent lo palaz. Poëme sur Boèce, v. 162.

Elle est si belle que le palais en reluit.

Anc. Esp. El non quiso ende parte nin óvo della cura. 

(óvo, ovo: hubo, tuvo)

Poema de Alexandro, cop. 1294.

Estaban maravilladas ende todas las gentes.

V. de Santa Oria, cop. 7.


Pois, pois, du latin possum.


Neuls, du latin nullus.

On a vu précédemment nul, nulla.

Nun, de non, latin.

Le véritable mot roman NON se trouve dans le serment du peuple français.


On ne saurait trop regretter qu' un document beaucoup plus considérable que les serments de 842 ne nous ait été transmis que dans une traduction latine, qui du moins constate son existence en romane rustique; je veux parler des allocutions que firent, en cette langue, Charles-le-Chauve et Louis de Germanie son frère, lors du traité de paix qu' ils conclurent en 860 à Coblentz (Koblenz, Coblenza), où ils avaient réuni des princes de leur famille, des évêques, des grands et leurs fidèles. On jugera aisément que les expressions de ce précieux document auraient confirmé ce que je dis sur l' existence et l' état de la langue romane au IXe siècle, et auraient fourni à mes assertions de nouvelles preuves et de nombreux développements.

Le roi Louis parla d' abord en langue théotisque; (1: Cette allocution fut longue, elle est traduite dans les capitulaires.

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 141, 142, 143, 144.) 

Charles répéta la même allocution en langue romane. (2: Haec eadem domnus Karolus romana lingua adnuntiavit. Baluzio, Capit. Reg, Fr., t. II, col. 144.)

Louis de Germanie dit ensuite à son frère en langue romane: 

“Maintenant, si vous le voulez bien, je désire avoir votre parole au sujet de ces hommes qui me firent hommage de fidélité.” (3: Post haec domnus Hludouvicus ad domnum Karolum fratrem suum lingua romana dixit: “Nunc, si vobis placet, vestrum verbum habere volo de illis hominibus qui ad meam fidem venerunt.” Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.)

Et le seigneur Charles dit à haute voix en langue romane:

“Quant à ces hommes qui se conduisirent envers moi comme vous le savez, et vinrent auprès de mon frère, tous les méfaits dont ils se rendirent coupables envers moi je les pardonne à cause de Dieu et pour

son amour, et afin d' obtenir sa grâce: je leur accorde les alleux qu' ils ont eus par héritage ou par acquêt et par donation de notre Seigneur,  exceptant ce que j' avais donné moi-même, s' ils me fournissent l' assurance qu' ils seront en paix dans mon royaume, et qu' ils y vivront comme des chrétiens doivent vivre dans un royaume chrétien, et cela si mon frère accorde également à mes fidèles qui ne commirent aucun méfait envers lui, et qui m' aidèrent, quand il en fut besoin, les alleux qu' ils possèdent dans son royaume. Quant à ces alleux, et même quant aux fiefs que les autres obtinrent de moi, j' agirai envers ceux qui reviendront à moi, sans prendre d' engagement à cet égard, d' après ma volonté, comme je le déterminerai mieux avec mon frère.” (1)

Enfin Charles parla encore en langue romane, exhorta à la paix, et exprima le voeu, qu' avec la grâce de Dieu, tous les assistants retournassent chez eux sains et saufs; il mit ainsi fin aux allocutions. (2)

(1) Et domnus Karolus, excelsiori voce, lingua romana dixit:

“Illis hominibus qui contra me sic fecerunt sicut scitis, et ad meum fratrem venerunt, propter Deum et illius amorem et pro illius gratia, totum perdono quod contra me misfecerunt, et illorum alodes de hereditate et de *conquisitu, et quod de donatione nostri Senioris habuerunt, excepto illo quod de mea donatione venit, illis concedo, si mihi firmitatem fecerint quod in regno meo pacifici sint, et sic ibi vivant sicut christiani in christiano regno vivere debent. In hoc si frater meus meis fidelibus, qui contra illum nihil misfecerunt, et me, quando mihi opus fuit, adjuvaverunt, similiter illorum alodes, quos in regno illius habent, concesserit. Sed et de illis alodibus quos de mea donatione habuerunt, et etiam de honoribus, sicut cum illo melius considerabo, illis qui ad me se retornabunt, voluntarie faciam.”

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.

(2) Et tunc domnus Karolus iterum lingua romana de pace commonuit, et ut, cum Dei gratia, sani et salvi irent, et ut eos sanos reviderent, oravit, et adnuntiationibus finem imposuit.

Baluzio, Cap. Reg. Fr., t. II. Col. 144.

La traduction de ces diverses allocutions romanes a fourni plus de six cent cinquante mots latins, et il faut observer que tous les discours romans n' ont pas été traduits.

Voilà donc sept à huit cents mots romans dont l' existence au IXe siècle est constatée, et qui auraient sans doute fourni le moyen de compléter la démonstration qu'à cette époque cette langue avait déjà reçu la plupart

des développements et des genres de perfection qu' on a remarqués dans les langues néolatines.

Mais si ces preuves utiles, quoique surabondantes, manquent, il me sera permis de recueillir et de rapprocher celles que fournissent divers fragments de cette langue romane rustique à l' époque de 960. (1)

Dans le peu de mots qu' ils ont conservés, ces fragments offrent une correspondance intime avec le style des serments de 842, et il n' est pas possible de méconnaître l' identité des formes grammaticales et lexicographiques. (2: Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 49 et s.)

Serments de 842. Actes de 960.

Substantif, Sagrament. Sacrament, p. 50.

Subst. et adj, Li. Li tolra, li devedara, p. 40, 42.

Relatifs. Lo, l'. Lo tornara, p. 40.

O. Non o farai, si o tenra, p. 46, 42.

Que. Que combatre, p. 41.

Que no las, per so que, p. 42, 43.

Adj. indét. Nul. Nul, p. 45.

Verbes. Salvar, returnar. Trobar, p. 46.

Salvarai, prindrai. Tolrai, vedarai, prendrai, p. 41.

Négation. Ne, non. Ne las, ne no, p. 45.

Préposition. Ab. Ab ti, ab te, ab els, p. 44, 43, 46.

Per. Per bataillia, p. 41.

Ajouterai-je qu' il a existé, conformément aux conciles de 813, des homélies, des discours, qu' adressaient au peuple les ministres de la religion, expressément chargés dé prêcher en romane rustique

(1: Homelias quisque aperte transferre audeat in rusticam romanam linguam. Labbe, Concil. de 813, t. VII, col. 1263.)

Mais à défaut de ces documents qui expliqueraient et démontreraient toujours plus évidemment les principes ingénieux, les regles simples et habiles qui présidèrent à la formation et au développement de la romane rustique, on peut établir et indiquer avec succès la comparaison et les rapports des diverses langues néolatines; oui, l' homogénéité de leurs imitations de la langue latine, l' unité méthodique des modifications qu' elles ont ou faites ou acceptées comme de concert, fourniraient à elles seules la preuve incontestable de leur unité, et de l' existence d' un type primitif intermédiaire, d' après lequel chaque langue paraît avoir développé, ou plus tôt ou plus tard, les moyens communs à toutes, en marquant son individualité par des formes spéciales, des particularités caractéristiques.

Tableaux

dijous, 2 de novembre del 2023

Tome sixième, Grammaire comparée des langues de l' Europe latine, chapitre 1. (+ Index)

Tome sixième, contenant la Grammaire comparée des langues de l' Europe latine, dans leurs rapports avec la langue des troubadours.

A PARIS,

1821.

Discours préliminaire.

L' étude des poésies des troubadours sera d' une grande utilité pour connaître et juger les mœurs, les usages, les opinions de l' époque où ils ont occupé une place si honorable dans la société et dans les divers pays dont ils ont favorisé la civilisation.

L' étude approfondie de leur langue n' offrira pas moins d' avantages aux philologues, aux linguistes, aux grammairiens qui aiment à rechercher et à déterminer les rapports des idiomes, et surtout de ceux dont les éléments principaux, les formes essentielles paraissent appartenir à une origine commune.

Si, avant la publication des ouvrages de ces poëtes, un littérateur avait dit: “Français, Espagnols, Portugais, Italiens, et vous tous dont l' idiome vulgaire se rattache aux idiomes de ces peuples, vous êtes sans doute surpris et charmés des identités frappantes, des nombreux rapports, des analogies incontestables que vous découvrez sans cesse entre vos langages particuliers; permettez-moi de vous en expliquer la cause; c' est qu' il a existé, il y a plus de dix siècles, une langue qui, née du latin corrompu, a servi de type commun à ces langages. Elle a conservé plus particulièrement ses formes primitives dans un idiome illustré par des poëtes qui furent nommés troubadours. Leurs ouvrages, monuments du douzième et du treizième siècle, ont péri en très grande partie; mais, dans ce qui nous en reste encore aujourd'hui, j' ai reconnu, j' ai admiré une langue formée, fixée et perfectionnée, qui paraît n' avoir subi, pendant trois siècles, aucune altération importante. La grammaire de cette langue a eu des règles constamment observées: on peut les indiquer et en faire un nouveau corps de doctrine, soit à la faveur de quelques traditions grammaticales (1) qui sont parvenues jusqu'à nous, soit surtout par une active et profonde investigation des éléments et des formes qui constituent cette langue, et lui permettent de rendre souvent avec grace ou avec énergie et toujours avec précision, soit la vive expression du sentiment, soit la fidèle image de la pensée.”

Justement étonnés d' une pareille promesse, les savants des divers pays auraient répondu: “Vous avancez qu' il a existé primitivement une langue intermédiaire, dont le type a fourni les éléments et les formes de nos idiomes actuels, hâtez-vous de nous indiquer les règles mêmes de cette langue.”

(1: Il reste le Donatus provincialis et le traité de Raimond Vidal, écrits l' un et l' autre dans la langue des troubadours.

Le premier divise la grammaire en huit parties: nom, pronom, verbe, adverbe, participe, conjonction, préposition, interjection.

En définissant le substantif, il indique par quel signe les sujets et les régimes doivent être distingués au singulier et au pluriel.

Dans l' énumeration des pronoms, on ne trouve que les pronoms personnels, les pronoms démonstratifs personnels et les pronoms possessifs.

Le verbe, dit-il, est un mot qui sert à exprimer qu' on fait ou qu' on souffre quelque chose. Les verbes romans se divisent en cinq modes: indicatif, impératif, optatif, conjonctif et infinitif, et en quatre conjugaisons. Des exemples indiquent la plupart des inflexions des personnes pour les divers temps et pour chaque mode.

L' adverbe est ainsi nommé, parce qu' il doit être placé après le verbe; la conjonction, parce qu' elle unit un mot avec l' autre; elle est copulative, ordinative, assimilative, explétive, disjonctive, rationnelle.

Cet ouvrage, qui ne nous est parvenu que très incomplet, est terminé par une sorte de dictionnaire de rimes.

Le traité de Raimond Vidal est écrit sans méthode, mais il contient des règles, soit générales, soit particulières, qui ont l' avantage d' être autorisées par la citation d' exemples pris dans les poésies des troubadours; même il les critique toutes les fois qu' il pense qu' ils ont manqué aux règles.

Cet auteur divise les substantifs romans en cinq déclinaisons sans les spécifier. Il indique le signe qui doit distinguer les sujets et les régimes au singulier et au pluriel, mais en termes qui seraient difficiles à comprendre, si les exemples n' expliquaient le précepte.

Il entre dans beaucoup de détails à l' égard des personnes de divers temps des verbes.

C' est ce que j' ai tâché de faire en publiant les Éléments de la grammaire romane avant l' an 1000; et ensuite la Grammaire de la langue romane, ou langue des troubadours.

Mais ils auraient ajouté: “Vous prétendez que nos idiomes divers appartiennent à une origine commune; qu' il a existé pour tous un type primitif, et que c' est dans la langue des troubadours qu' on en retrouve, plus particulièrement et plus évidemment, les éléments constitutifs, les formes antiques et essentielles. Osez donc comparer nos idiomes divers avec cette langue; si leurs éléments caractéristiques, si leurs formes principales, leurs combinaisons ordinaires offrent de grandes et fréquentes conformités qui paraissent, non des accidents du caprice des langues, des rencontres du hasard, mais le résultat nécessaire de principes uniformes, d' analogies constantes, de développements naturels, nous pourrons croire à cette communauté d' origine; N' oubliez pas surtout qu' il faut la démontrer par des rapprochements qui ne soient pas forcés, par des rapports souvent identiques, par des faits nombreux et détaillés. C' est une tâche difficile sans doute, mais c' est la vôtre.”

Je l' accepte, et je consacre de nouveaux soins à la remplir.

Avant d' examiner les langues de l' Europe latine, dans leurs rapports particuliers et directs avec la langue des troubadours, je crois indispensable de présenter le tableau des principales désinences masculines des substantifs et des adjectifs de cette langue.

(1:

A.

A. Caresma, legista.

B.

Ab. Gab, trab.

Alb. Alb, balb.

Eb. Pleb.

Erb. Verb.

Ob. Glob, clob.

Omb. Plomb.

Orb. Corb, orb.

C.

Ac. Sac, flac.

Aic. Ebriaic, simoniaic.

Alc. Falc, manescalc.

Anc. Banc, franc.

Arc. Marc, larc.

Asc. Pasc, guasc.

Auc. Trauc, rauc.

Ec. Bec, cec.

Uec. Luec, gruec.

Enc. Brenc, arenc.

Erc. Clerc, ausberc.

Esc. Sirventesc, fresc.

Ic. Amic, ric.

Oc. Broc, badoc.

Olc. Folc.

Onc. Tronc, embronc.

Orc. Porc, dorc.

Osc. Bosc, losc.

Uc. Duc, astruc.

Usc. Brusc.

D.

Aid. Laid.

Ald. Cald.

And. Mand, grand.

Ard. Regard, tard.

End. Cuend.

Oind. Coind.

Aud. Baud.

Und. Mund.

E.

E. Merce, le.

Ebe. Tebe.

Obe. Cobe.

Arbe. Carbe.

Erbe. Serbe.

Ade. Cade.

Unde. Munde.

Orde. Orde.

Age. Corage, salvage.

Ige. Batige.

Onge. Monge, conge.

Erge. Verge.

Esge. Domesge, foresge.

Atge. Viatge.

Etge. Fetge, metge.

Itge. Litge.

Entge. Dimentge.

Utge. Jutge.

Uge. Eruge.

Euge. Greuge.

Enche. Penche.

Orche. Porche.

Able. Diable, colpable.

Eble. Feble.

Ible. Nible, visible.

Oble. Doble.

Acle. Miracle, tabernacle.

Ecle. Secle.

Icle. Article.

Incle. Vincle.

Oncle. Oncle.

Ercle. Cercle.

Ascle. Mascle.

Iscle. Giscle, siscle.

Oscle. Oscle.

Uscle. Muscle.

Ofle. Girofle.

Egle. Segle.

Eigle. Eigle.

Aile. Baile, graile.

Angle. Angle.

Aple. Chaple.

Ample. Ample.

Emple. Exemple, temple.

Imple. Simple.

Ople. Pople.

Eule. Teule.

Ecme. Flecme.

Eime. Deime.

Alme. Salme, balme.

Ome. Home.

Arme. Marme.

Erme. Terme, erme.

Asme. Blasme.

Isme. Regisme.

Ume. Lume.

Egne. Regne.

Igne. Signe, digne.

Aine. Domaine.

Umne. Umne.

Eune. Leune.

Ayne. Sayne.

Oyne. Moyne.

Empe. Tempe.

Abre. Fabre.

Ebre. Lebre, febre.

Ibre. Genibre, libre.

Ambre. Cambre.

Embre. Membre, setembre.

Ombre. Nombre, encombre.

Obre. Colobre.

Arbre. Arbre.

Ercre. Dimercre.

Ulcre. Sepulcre.

Andre. Blandre, gandre.

Endre. Divendre, mendre.

Ofre. Cofre.

Agre. Magre, agre.

Egre. Alegre.

Igre. Tigre.

Ongre. Congre.

Ogre. Pologre, Sogre.

Ire. Jauzire, sufrire.

Aire. Paire, faire.

Eire. Preveire.

Oire. Loire.

Uire. Buire.

Enre. Cenre, menre.

Olpre. Solpre.

Aspre. Aspre.

Espre. Vespre.

Orre. Sorre, orre.

Entre. Ventre.

Ontre. Encontre.

Ertre. Tertre.

Ortre. Tortre.

Astre. Astre, filhastre.

Estre. Maestre, senestre.

Istre. Ministre.

Ostre. Nostre, vostre.

Eutre. Feutre.

Ivre. Givre, delivre.

Oure. Coure.

Ovre. Covre.

Extre. Dextre.

Eyre. Veyre.

Aisse. Fraisse.

Omte. Comte.

Ente. Cente.

Onte. Conte.

Apte. Apte, disapte.

Opte. Dopte.

Oste. Hoste.

Aute. Malaute.

Eute. Deute.

Exte. Texte.

Egue. Portegue, foregue.

Ergue. Clergue.

Orgue. Morgue.

Esque. Evesque.

Inh. Enginh, sinh.

Einh. Seinh, sufreinh.

Oilh. Foilh, broilh.

Olh. Genolh, colh.

Onh. Besonh, lonh.

Unh. Punh.

I.

Ai. Mai, verai.

Bi. Proverbi, cambi.

Ci. Servici, silenci.

Di. Studi, homicidi.

Ei. Conrei, domnei.

Li. Oli, evangeli.

Ni. Capitani, strani.

Oi. Joi, croi.

Pi. Jaspi, principi.

Ri. Adversari, contrari.

Ui. Autrui.

Vi. Diluvi, savi.

Zi. Vizi, aizi.

L.

Al. Mal, criminal.

El. Fel, fedel.

Il. Abril, sobtil.

Ol. Rossinhol, fol.

Ul. Mul, cogul.

Aul. Badaul.

M.

Am. Fam, gram.

Alm. Psalm, calm.

Em. Gem, estrem.

Elm. Elm.

Er. Plazer, ver.

Err. Ferr.

Ier. Lebrier, sobrier.

Ir. Desir, consir.

Air. Frair, vair.

Or. Honor, senhor.

Ur. Mur, segur.

Aur. Aur, taur.

Yr. Martyr.

S.

Als. Fals.

As. Vas, gras.

Ars. Gars, escars.

Aus. Laus, descaus.

Eps. Estrueps.

Es. Marques, espes.

Emps. Temps.

Ens. Sens, ascens.

Ers. Vers, pers.

Is. Paradis, gris.

Ais. Pantais, savais.

Eis. Peis, geis.

Obs. Obs.

Ops. Ops.

Orps. Corps.

Os. Tos, amoros.

Ols. Pols.

Oms. Coms.

Ors. Secors, sors.

Us. Refus, confus.

Out. Cout, vout.

Unt. Punt.

Urt. Furt.

Ust. Fust, robust.

Yt. Trayt.

U et V.

U. Glu, dru.

Au. Clau, suau.

Eu. Deu, breu.

Iu. Estiu, caitiu.

Ou. Nou.

Ov. Bov.

Alv. Calv, salv.

Erv. Nerv, serv.

X.

Ix. Nix, afix.

Ox. Box, fox.

Ove. Jove.

Aze. Aze.

Aize. Aize.

Auze. Sauze.

F.

Ef. Sef.

Of. Prof.

Erf. Serf.

Uf. Cuf.

G.

Ag. Maltrag, lag.

Ang. Stang, estrang.

Aug. Gaug.

Eg. Freg, estreg.

Ig. Fastig, maldig.

Eng. Reng.

Eing. Reing, seing.

Og. Pog, rog.

Oing. Poing.

Ong. Perpong.

Ug. Desdug, brug.

Ung. Pung.

H, après C, L, N.

Uch. Fruch, conduch.

Uech. Fuech, muech.

Alh. Miralh, badalh.

Ailh. Brailh, mailh.

Anh. Gazanh, estranh.

Elh. Conselh, belh.

Enh. Renh, luenh.

Ilh. Yssilh, volpilh.

Eilh. Greilh.

Erm. Verm, ferm.

Im. Razim, prim.

Om. Pom, som.

Um. Lum, flum.

N.

An. Afan, certan.

Ain. Estrain.

Arn. Carn.

En. Terren, plen.

Ern. Enfern, etern.

In. Matin, pelegrin.

On. Baston, bon.

Ion. Devocion, jauzion.

Orn. Sojorn, morn.

Un. Grun, commun.

O. Pro.

P.

Ap. Cap, drap.

Amp. Camp.

Aip. Aip.

Ayp. Ayp.

Ep. Cep, trep.

Erp. Serp.

Ip. Mancip, particip.

Op. Galop, clop.

Olp. Colp, volp.

Orp. Dorp.

Up. Estreup.

Aup. Jaup.

R.

Ar. Altar, avar.

Eys. Peys.

T.

At, fem. Voluntat.

At, masc. Cat, delgat.

Ait. Maltrait.

Alt. Assalt, alt.

Ant. Cant, mant.

Art, fem. Part, art.

Art, masc. Laupart, quart.

Ast. Bast, cast.

Aut. Pipaut, azaut.

Et. Tozet, secret.

Ent. Dent, content.

Ment. Mandament, cauziment.

Ert. Desert, cert.

Est. Forest, manifest.

It. Marit, petit.

Eit. Dreit, freit.

Ueit. Enueit, nueit.

Int. Retint, quint.

Ist. Conquist, trist.

Uit. Guit, fruit.

Ot. Escot, glot.

Olt. Grenolt, molt.

Ont. Afront, pront.

Ort. Sort, fort.

Ost. Prebost, empost.

Ut, fem. Salut, vertut.

Ut, masc. Tribut, englut.

Iaut. Bliaut.

Ux. Endux, grux.

Y.

Ay. Lay, veray.

Ays. Biays.

Ey. Ley, rey.

Oy. Joy, croy.

Uy. Autruy.

Z.

Atz. Solatz, latz.

Etz. Pretz, vetz.

Itz. Amairitz, ametitz.

Aitz. Palaitz.

Eitz. Enueitz.

Olz. Dolz.

Otz. Votz, crotz.

Oz. Corroz, goz.

Uz. Cruz, luz.


Les manuscrits des poésies des troubadours offrent de légères différences d' orthographe dans les consonnes finales des substantifs et des adjectifs.

L 'L prend un autre L ou l' H: Consel, bel, ell, elh, etc. etc.

L' N prend l' H ou le G: Gazan, Gazanh, Gazang; Pon, ponh, pong.

Le T se change en G, ou en CH, frut, frug, fruch.

AL en AILL, ailh: Trebal, treball, trebailh.

Uel, en Oil, ueil: Orguel, Orguoil, Orgueil.

Ut, uch, ug, en uit, uich, uig: Fruit, fruich, fruig.

De même on, onh, ong, en oin, oinh, oing;

Et un, unh, ung, en uin, uinh, uing. )

Je n' entrerai ici dans aucun détail relativement aux substantifs et aux adjectifs féminins terminés en A bref ou muet.

Les substantifs féminins terminés en A bref ou muet, seront l' objet d' un travail spécial, placé dans le corps de l' ouvrage, et qui, par une comparaison suivie et détaillée, prouvera sur ce point la conformité exacte, les rapports identiques des langues de l' Europe latine.

Le tableau des désinences des adjectifs dont le féminin prend la voyelle A final, ne serait d' aucune utilité. Il suffit de dire que cet A n' est ajouté que comme signe caractéristique du féminin.

Mais je place dans ce tableau les désinences des principaux substantifs féminins qui ne sont pas terminés en A bref ou muet, des masculins qui ont cette terminaison, et des autres substantifs, soit masculins, soit féminins, qui prennent une autre désinence.

Le même tableau comprend les désinences des adjectifs, soit de ceux qui marquent le genre féminin par le signe final A, soit de ceux qui étant invariables s' associent également à des substantifs masculins, ou à des substantifs féminins, sans rien changer à la terminaison primitive.

Je comparerai les éléments et les formes des langues de l' Europe latine, quand la comparaison pourra s' établir entre toutes ces langues ou la plus grande partie, mais auparavant je dois indiquer ici les rapports plus particuliers de chaque langue avec la langue des troubadours.


Ancienne langue française.

Dans un mémoire sur l' origine et les révolutions de la langue française, Duclos s' exprime ainsi:

“Enfin, la langue romane, qui sembloit d' abord devoir céder à la tudesque, l' emporta insensiblement, et nous allons voir que, sous la troisième race, elle fut bientôt la seule, et donna naissance à la langue française.”

Avant d' expliquer par quelles modifications le français se forma de la langue romane, il convient de rassembler, en faveur de l' assertion de Duclos, les preuves matérielles qui attestent encore aujourd'hui l' ancien usage de la langue romane primitive, dans les pays de la France situés au nord de la Loire.

J' ai eu précédemment occasion de citer le passage des litanies Carolines qui prouve que sous Charlemagne la langue romane était populaire dans le nord de la France.

Le serment de 842 donne à ce fait une telle évidence qu' il peut sembler inutile de rechercher d' autres preuves; mais, puisqu' elles existent, on me pardonnera de ne pas les omettre.

J' indiquerai d' abord les noms appellatifs qui sont cités dans des monuments antérieurs à l' an 1000, et qui ont la terminaison romane.

Beaucoup de noms de villes, de campagnes, avaient la terminaison romane AS, changée ensuite en ES français.

Ainsi, les noms Cellas (1), Fontanas (2), Ferrerias (3), employés dans les sixième et septième siècles ont été changés postérieurement en Celles, Fontaines, Ferrieres.

(1) “In pago Milidunense, in villâ Cellas nominatâ... ipsam villam Cellas nominatam super Alvecun Sequanae ubi Iona illam ingreditur.”

Dipl. ch. etc. ad res fr. Spect., t. I, p. 43, an. 658, Child. I, n° XXVII.

(2) “Villam Fontanas.” Ib. Test. de 642, t. I, p. 191, n° CXIV.

(3) “Loca quorum vocabula sunt Ferrerias, etc.”

Ib. t. I, p. 129, an. 628. Dagob. I, n° LXVII.

A cette preuve se rattache le fait constaté par l' archevêque de Rheims, Hincmar, mort en 842, qui dit, en parlant de l' armée: Bellatorum acies quas vulgari sermone Scaras vocamus. (1)

Ce mot Scaras, que le français a exprimé par Echelles, est roman.

Il résulte incontestablement de ce passage, que l' archevêque Hincmar et les habitants du nord de la France parlaient encore le roman primitif dans le milieu du neuvième siècle, puisqu'il dit: que nous appelons scaras en langue vulgaire.

Dans les formules de Marculfe, on rencontre quelques vestiges de cette langue; le mot LUI s' y trouve plus d' une fois. (2)

(1) Hincmar, t. 2, p. 158.

(2) “Omnes causas LUI ubicunque prosequere.” Marc. I, 21.

“Ipsius LUI.” App. ad Marc. XXIII.

“Si colonus ipsius LUI esse debebat.” App. ad Marc. XXII.

Les étrangers nous ont conservé plusieurs vestiges précieux.

Un poëme en vieux allemand sur l' expédition de Charlemagne contre l' Espagne, cap. 6, sect. 2, offre ce passage:

Ir herzaichen wart ein schal

Munsgoy.

On attribue ce poëme, qui est rimé, à un auteur nommé Stricker, mais on ignore en quel siècle il a vécu. Rien n' indique si ce poëme est original ou si c' est une traduction. Comme il raconte les fables qui se trouvent dans Turpin, on peut en conclure qu' il est postérieur à l' ouvrage de ce romancier, à moins de supposer que Turpin a copié le poëte étranger, ou que l' un et l' autre ont puisé à une source commune.

Quoi qu' il en soit, il est très remarquable qu' un auteur étranger, soit qu' il composât le poëme, soit qu' il le traduisît, ait employé ou conservé le mot Munsgoy, purement roman, tandis que, dans le douzième siècle, Robert Wace a dit, dans le roman de Rou:

François crie Mont-joye et Normand Dex aïe.

Un autre poëme très ancien, écrit de même en vieux allemand, sur les guerres de Charlemagne contre les Sarrasins, et dont l' auteur est inconnu, a aussi rapporté plusieurs fois en roman le cri de guerre monsoy, et il a aussi exprimé en roman le mot preciosa. (1)

(1). V. 2573. Thiu scare rief: Monsoy, Monsoy.

2593. Sie riefen andere warf: Monsoy, Monsoy.

2936, Mit michelere frothe hoben si

2937. Monsoy! Monsoy!

3343. Thie kristene riefen: Monsoy! Monsoy!

4035. Thie kristen hoven: Monsoy! Monsoy!

4036. Thie haithene ire zaichen sa

4037. Preciosa! Preciosa!

4430. Ise zaichem riefen sie sa

4431. Preciosa! Preciosa!

Voilà donc que deux auteurs différents citent le cri de guerre des Français, Monsgoy, en pur roman, et que l' un des deux emploie plusieurs fois le mot Preciosa dont la terminaison est pareillement romane; il est donc permis de penser, ou qu' ils ont traduit d' anciens poëmes dans lesquels les faits de Charlemagne étaient écrits dans la langue des troubadours, ou qu' à l' époque de la rédaction de ces ouvrages les Français employaient encore ces mots romans qu' ils ont écrits et prononcés depuis, Mont-joye, Précieuse.

La plus ancienne monnaie où se trouve une inscription romane, est celle qui fut frappée de l' an 980 à 1050, par un comte de Tonnerre. (1)

Elle porte les noms romans toinero moneic, elle est gravée dans le recueil intitulé: Monoyes des prélats et barons de France, t. 2, suppl. p. 188. (1) Ville qui avait titre de comté dans le Senonois, en Champagne, aux confins de la Bourgogne, à sept ou huit lieues d' Auxerre.

Ce seul monument prouverait que vers l' an 1000, des habitants du nord de la France employaient encore le roman qui n' avait pas été entièrement modifié en idiome français.

D' après les théories générales, et surtout d' après les faits particuliers, il faut admettre que la modification de la langue romane en langue française ne s' est effectuée que par gradation, par nuances, et par intervalles de temps, plus tôt dans un pays, et plus tard dans un autre.

On rencontre encore des documents d' une époque peu reculée, qui offrent le mélange des deux idiomes, et qui démontrent de quelle manière a dû se faire le passage d' une langue à l' autre.

Ces documents ont surtout retenu encore assez tard l' A final changé ensuite en E muet, l' O de l' article LO et du pronom relatif CO, changés depuis en LE et CE, français.

Pour donner une idée juste et précise de la manière dont la langue romane est devenue langue française, il suffira d' indiquer les changements sous deux rapports.

Tantôt ce sera par la comparaison des mots romans avec les mots français dont la légère différence démontrera matériellement qu' ils ont été employés autrefois tels qu' ils étaient dans la langue romane.

Tantôt ce sera par la preuve de l' emploi de divers mots, ou des diverses inflexions des mots romans assez long-temps conservés par la langue française elle-même qui leur a fait subir depuis les modifications que les autres mots ou leurs inflexions avaient subies plus anciennement.


E muet français.

Parmi les principaux changements de consonnes et de voyelles, il faut distinguer l' E muet qui a remplacé en français les voyelles A, I, O, des mots romans. (1)

Souvent la langue française ajouta un E final muet euphonique à des mots que le roman terminait en consonnes, tels que les substantifs et adjectifs, hom, corn, joi, parjur, ferm, etc., etc., qui devinrent homme, corne, joie, parjure, ferme (2), etc., etc.

(1)

Substantifs.

Roman. Français.

A. Musa, fortuna. Muse, fortune.

Adjectifs.

Bella, bona. Belle, bonne.

Verbes.

Ama, senta. Aime, sente.

Substantifs.

I. Servici, justici. Service, justice.

Adjectifs.

Contrari. Contraire.

O. Lo, co. Le, ce.

Et les pluriels des mots en AS: Musas, bonas, muses, bonnes, ainsi que les secondes personnes des verbes, quand elles sont en AS:

Amas, sentas, aimes, sentes, etc. etc.

(2) Outre les exemples nombreux qu' on trouvera dans le cours de l' ouvrage, je citerai les suivants:

“Il estoit propre homs.” Chron. de Fr., Rec. des Hist. de Fr., t. V, p. 244.

“Ne voilliez eshalcier vostre corn.” Trad. du ps. 74, MS. n° I.

“Et se j' en suis parjurs à escient.” Le roi de Navarre, chans. XVII.

Là soit tun curage

Ferm sans être remué.

Everard, Hist. Litt. de la Fr., t. XIII, p. 68.

Tels que les verbes, os, dout, pri, desir, pens, etc., qui devinrent ose, doute, prie, desire, pense (1), etc.

Et les adverbes, prépositions, conjonctions, com, changé ensuite en come (2), etc.

(1) Mais ne li os descovrir ma pensée.

Avugle sunt, de ce ne dout je mie.

Por ce vos pri d' amors douce semblanche.

Que je desir s' amour et s' acointance.

Come a cheli où je pens main et soir.

Le roi de Navarre, chans. LIII, LIV, LVII, LIX, LVII.

(2) Car onques rien ne fis si à envis

Com vos laisser.

Le roi de Navarre, chans. LVI.


AL roman changé en EL français.

J' aurai occasion de donner des preuves nombreuses de ce changement qui a seulement modifié la désinence des adjectifs. (3)

(3) Roman. Français.

Celestial, corporal. Celestiel, corporel.

Mortal, natural. Mortel, naturel.

Tal, qual, etc. Tel, quel, etc.

Dans l' ouvrage intitulé: De l' état civil des personnes et de la condition des terres dès les temps celtiques jusqu'à la rédaction des coutumes, in-4° 1786, t. 2, pag. 553, se trouve une charte de franchise des villages de la Cluse et de la Chapelle-Mi-Joux, donnée en 1324, où on lit:

“Francs et quittes de la main morte... et de tous debtz reals et personals.”

At final changé en ET français.

Quand je comparerai les langues de l' Europe latine (1), je fournirai des développements qui démontreront cette modification importante, laquelle a ensuite été soumise à un autre changement.

On verra qu' il s' est opéré par la suppression du T final dans les substantifs et dans les adjectifs terminés en ET.

Cette suppression a été indiquée par l' accent aigu placé sur l' É final.

C' est de cette double modification que viennent presque toutes les désinences en É des mots français.

(1)

Substantifs.

Roman. Français.

Libertat, veritat. Libertet, veritet.

Participes.

Amat, turbat. Aimet, turbet.

On trouvera des exemples nombreux, pag. 37 et suiv.

EL roman changé en EAU français.

Cette modification est si évidente qu' il suffira de jeter les yeux sur la liste des mots qui autrefois ont pris, en français, la désinence EL, et qui depuis l' ont changée en EAU. (2: Voyez ci-après, pag. 43. )

L roman changé en U français.

Souvent l' ancien français conserva l' L intérieur ou final dans les mots romans, et ensuite il le changea en U. (1)

Ainsi, d' AL, d' ALS, articles, d' ELS, pronom personnel, vinrent, AU, AUX, articles, EUX, pronom personnel.

Albe, almone, alter, halt, altre, cald, salf, fals, palme, ciels, genols, oltre, etc., etc. produisirent,

Aube, aumone, autel, haut, autre, chaud, sauf, faux, paume, cieux, genoux, outre, etc., etc.

L' L a été conservé dans le mot altesse.

(1)

“Doneir almones.” Serm. de S. Bernard, fol. 88.

“Emposerunt sur tuen alter.” Trad. du ps. 50, MS. n° I.

“Les tabernacles de très halt.” Trad. des ps. 45, MS. n° I.

“E li altre de l' altre part.” Trad. du IIe livre des Rois, fol 42.

“Kar nuls n' en est salfs.” Trad. du ps. 55, MS. n° I.

“Encuntre lur ydles e lur fals deus.” Trad. du IIe livre des Rois, fol. 47.

“Seies eshalciet sur les ciels.” Trad. du ps. 56, ms, n° I.

“Maladie de gote qui le tenoit és genols.” Villehardouin, p. 130.

“La terre d' oltre mer.” Villehardouin, p. 8.

AU roman changé en O français.

Dans aur, auratge, ausar, laus, repaus, rauba, causa, aurelha, raustir, et beaucoup d' autres mots romans, l' AU se changea en O, et produisit, or, orage, oser, los, repos, robe, chose, oreille, rotir, français, etc.

Le français garda quelquefois l' AU roman dans des mots qui depuis ont toujours pris l' O. (1: “Qui pur haur n' el fist ne pur altre chose.”

Lois de Guillaume le Conquérant, XVI.

Ni un chant qui ne peut plaire

Qu' aux aureilles du vulgaire.

P. Ronsard, t. I, p. 342.

Dans les ordonnances des Rois de France le mot Thresaurier est souvent employé. Voy. Tom. XV, pag. 119.

AU est resté dans thésauriser.

O roman changé en OU français.

Ainsi, boca, roman, a produit d' abord boche, et depuis, bouche.

(2: “Mel a la meie boche.” Trad. du ps. 118, psaut. de Corbie.)

OC roman changé en UEC français, et ensuite en EU.

Foc, Loc, romans, etc, qui d' abord avaient produit Fuec, Luec, (3) etc., ont depuis été changés en Feu, Leu.

(3) “Si mist le fuec ou bors et en art grand part.”

Villehardouin, p. 165.

Je crois convenable d' avertir ici que la langue des troubadours a admis des modifications qui ont ensuite appartenu spécialement à d' autres langues; et pour en donner quelques exemples, je citerai: volh, fog, lonh, olh, oimai, pos, changés en vuelh, voill, fuec, luenh, huelh, hueimai, pues, pois, etc. etc.

Le D, dans l' intérieur des mots, a été souvent modifié en Z.

1. Voyez page 59 et suiv.

2. Ainsi de razor est venu razoir.

3. Voyez page 122 et suiv.

4 Du roman greu, adjectiu, viu, votiu, etc., bov, nov, ov, serv, nerv, cerv, etc, sont venus en français grief, adjectif, vif, votif, etc., boeuf, neuf, oeuf, serf, nerf, cerf, etc.; mais on dit serve, votive, vive, griève, etc. etc.

OR roman changé en OUR et EUR, OIR français.

Pendant assez long-temps, la langue française conserva la désinence romane des mots romans en OR, mais ensuite elle changea les uns en OUR, et les autres en EUR. J' entrerai à cet égard dans des détails qui ne laisseront aucun doute. (1)

Très rarement OR roman fut changé en OIR.

OS roman changé en EUX français.

Il reste un nombre infini d' exemples des adjectifs de l' ancien français qui avait conservé la désinence romane OS; mais ensuite cet OS devint EUX. (3)

U, V final roman changé en F français.

Ce changement est très ancien, mais il n' en est pas moins évident, puisque les féminins des adjectifs terminés actuellement en F, ont conservé le V primitif. (4)

I introduit devant E.

L' ancien français employa des mots purement romans tels que: cel, mel, fel, ben, dener, deu, leu, etc, qui ont pris ensuite l' I intérieur et ont

produit ciel, miel, fiel, bien, denier, dieu, lieu, (1) etc.

(1) Il suffira de quelques citations.

“Sur mel a la meie boche”. Trad. du ps. 118, psaut. de Corbie.

“Deit doner le dener Saint Pere.” Lois de Guillaume le Conquérant, XVIII.

“En un altre leu.” Sermons de S. Bernard, fol. 88.

A roman changé en AI français.

I fut placé par le français après l' A des mots terminés par AM, AN, ANCT, ANT, ARN, AR, ACT, romans. (2: Roman: Fam, gran, man, nan, pan, refran, certan, human, lontan, san, van, vilan, sanct, mant, carn, clar, par, affar, vulgar, benfact, lact, etc. etc.

Français: Faim, grain, main, nain, pain, refrain, certain, humain, lointain, sain, vain, vilain, saint, maint, chair, clair, pair, affaire, vulgaire, bienfait, lait, etc. etc.

Divers mots ont conservé la terminaison romane. (3: Tels que; An, ban, océan, paysan, roman, satan, tyran, etc. Voy. pag. 33 et 102.)

On le plaça aussi après l' A dans l' intérieur de plusieurs mots. (1: Roman: Ala, aram, agre, magre, agu, etc.

Français: Aile, airain, aigre, maigre, aigu, etc.

“Et leur longue ague espée.” Trad. du ps. 56. psaut. n° I.

“Touz jours me dit: amez, amez, amez.”

Le roi de Navarre, chans. XXIX.)

En roman changé en EIN français.

Ainsi, des substantifs et des adjectifs en EN, roman, tels que fren, terren, plen, seren, furent modifiés en frein, terrein, plein, serein.

E roman changé en O et en OI français.

Les mots romans, tels que lei, rei, arnes, cortes, borges, tres, changèrent l' E en O et en OI, et produisirent, loi, roi, arnois, courtois, bourgeois, trois.

On verra dans la suite qu' une semblable opération eut lieu pour des verbes en ER.

IA final roman changé en EIE, OIE français.

Via, mia, romans, furent d' abord changés en veie (2), meie, et ensuite en voie, moie. (2) Trad. des ps. 109 et 114, psaut. de Corbie.

Des verbes furent modifiés de même.

Suppressions de consonnes intérieures dans les mots français venus du roman.

Souvent la langue française supprima des consonnes, et surtout le C, D, G, Z, dans l' intérieur des mots. (1: Les mots romans: Edificar, mesclar, publicar, glorificar, sanctificar, mendicar, multiplicar, traucar, oblidar, mudar, cridar, convidar, maridar, castigar, ligar, jogar, fizar, vezer, lauzar, auzir, jauzir, etc. etc., se changèrent en: Édifier, mesler, publier, sanctifier, mendier, multiplier, trouer, oublier, muer, crier, convier, marier, chastier, lier, jouer, fier, voir, louer, ouir, jouir, etc. etc.)

Les grammairiens qui ont réfléchi sur ces sortes de contractions conçoivent facilement pourquoi certains mots français, qui sont aujourd'hui monosyllabes, furent dissyllabes autrefois, quand on avait encore la tradition de la prononciation primitive et de la suppression de la consonne intérieure.

Fugir roman a été modifié en fuir français, qu' on a long-temps prononcé fu-ir, et beaucoup plus tard fuir.

Changement du P latin en B roman, et du B roman en V français.

Ce changement qui s' opéra toujours dans l' intérieur des mots que la langue romane emprunta à la langue latine, et que la langue française conserva de la langue romane, fut soumis à des règles si exactes, à une analogie si constante, qu' on est justement étonné de ce qu' un pareil ordre de correspondance s' est établi dans les temps où l' usage et l' euphonie dirigeaient seulement les personnes qui parlaient le roman et celles qui parlèrent ensuite le français. (1:)

Latin. Roman. Français.

Aperire ubrir ouvrir

Aprilis abril avril

Capillus cabel cheveu

Capra cabra chevre

Crepare crebar crever

Concipere concebre concevoir

Nepotem nebot neveu

Capistrum cabestre chevestre

Coprire cubrir couvrir

Decipere decebre décevoir

Juniperus genibre genievre

Opera obra oeuvre

Operari obrar ouvrer

Pauper paubre pauvre

Percipere percebre percevoir

Recipere recebre recevoir

Recuperare recobrar recouvrer

Ripa riba rive

Separare sebrar sevrer

Sepelire sebelir ensevelir

Sapa saba seve

Sapere saber savoir

Sapor sabor saveur

Saporus saboros savoureux

Désinences communes aux substantifs et aux adjectifs romans et français.

Dans la comparaison des langues de l' Europe latine, on verra les désinences des substantifs et des adjectifs français (1) qui ont dû être rapprochées non-seulement du roman, mais encore des autres langues de l' Europe latine.

(1) On trouvera dans les substantifs les désinences suivantes:

Age, al, an, ar, art, at, el, en, ent, ment, er, ier, es, il, in, it, ol, olp, om, on, ion, ont, or, rn, u, v, uc, ul, ut.

Dans les adjectifs: Al, an, and, anct, ar, at, el, ent, ert, il, in, olz, on, ort, os, au, eu, iu, ou, ur.

Mais il y a un bien plus grand nombre de ces désinences romanes qui sont restées dans la langue française et qui n' ont pu entrer dans les tableaux comparatifs (2), soit parce qu' elles appartiennent à peu de mots, soit parce qu' elles ne se retrouvent pas assez intégralement dans les autres langues.

(2) En comparant les désinences caractéristiques des adjectifs dans

les diverses langues de l' Europe latine, je ne dirai rien des adjectifs terminés en ble. Cette désinence est rare dans les adjectifs de l' ancienne langue romane, et dans les vieux monuments des autres langues de l' Europe latine; elle n' est pas admise par le portugais et par l' Italien. Je n' en parlerai donc qu' en traitant des rapports particuliers des langues qui l' ont adoptée.

Voici le tableau des principales désinences romanes que la langue française a conservées, ou qu' elle n' a soumises qu' à de très légères modifications. Les mots suivants correspondent aux mots romans du tableau, pag. V, etc. J' indique rarement dans les tableaux particuliers les désinences qui entreront dans la comparaison générale des langues de l' Europe latine.

B. Miracle. Arbre. G. Morne. Bast.

Globe. Siècle. Sépulcre. Rang. Commun. Chaste.

Plomb. Article. Moindre. Etang. P. Droit.

Verbe. Oncle. Coffre. Etrange. Drap. Forest.

Corb. Cercle. Aigre. Seing. Camp. Manifeste.

C. Masle. Allegre. Poing. R. Nuit.

Sac. Muscle. Negre. Feuille. Desir. Triste.

Banc. Girofle. Tigre. Besoin. Frère. Escot.

Franc. Angle. Père. Loin. Vair. Prompt.

Marc. Seigle. Martire. I. Mur. Sort.

Large. Grèle. Cendre. Mai. Martyr. Prévost.

Rauque. Chaple. Souffre. Vrai. S. Point.

Bec. Ample. Aspre. Proverbe. Pas. Fort.

Luec. Exemple. Vespre. Service. Gras. Robuste.

Clerc. Simple. Ventre. Silence. Gars. U et V.

Fresque. Peuple. Encontre. Etude. Los. Glu.

Riche. Double. Tertre. Homicide. Deschaus. Dieu.

Broc. Tuile. Desastre. Huile. Faux. Bref.

Tronc. Psaume. Maistre. Capitaine. Marquis. Chetif.

Porc. Baume. Ministre. Joie. Temps. Bœuf.

D. Home. Nostre. Jaspe. Sens. Neuf.

Chaud. Terme. Feutre. Principe. Vers. Chauve.

Command. Blasme. Givre. Adversaire. Pers. Nerf.

Regard. Règne. Delivre. Contraire. Paradis. Cerf.

Tard. Signe. Cuivre. Autrui. Gris. Y.

Monde. Digne. Dextre. Déluge. Pouls. Lay.

E. Domaine. Comte. Vice. Corps. Biais.

Monge. Ymne. Conte. M. Secours. Roi.

Manege. Moyne. Apte. Faim. Refus. Joie.

Lige. Tempe. Doute. Psaume. Confus. Z.

Juge. Lièvre. Texte. Calme. T. Palais.

Porche. Libre. Evesque. Ferme. Assaut. Croix.

Diable. Septembre. Aise. Raisin. Haut. Courroux.

Coupable. Membre. F. Pome. Chant.

Foible. Nombre. Suif. N. Léopard.

Visible. Couleuvre. Serf. Sejour. Quart.


Langue Espagnole.

Les historiens espagnols n' ont transmis aucun fait qui permette de fixer l' époque où la langue romane s' établit au delà des Pyrénées.

Mais un monument atteste qu' elle était en usage en Espagne et en Portugal dans le huitième siècle, c' est l' ordonnance publiée en 772 (-734), par Alboacem, fils de Mahomet-Alhamar, fils de Tarif. (1)

Quoique les critiques aient jugé avec raison que la chronique des Goths, imprimée dans les œuvres de Luitprand, n' est pas de cet auteur (2), il me semble, toutefois, que le passage que j' en ai rapporté (3), mérite quelque considération, et qu' il concourt à prouver l' existence ancienne de la langue valencienne et de la langue catalane, quoiqu' on reconnaisse que cette chronique a été rédigée dans un siècle postérieur à celui où Luitprand a écrit.

Et si l' on se souvient que l' agiographe de sainte Lobe, rapporte qu' un Italien qui se trouvait en Allemagne, comprit le langage d' un espagnol, par cela seul qu' il était Italien, eo quod italus erat, on ne se refusera point à admettre l' opinion des philologues qui font remonter au temps des Goths l' établissement de la langue vulgaire espagnole.

(1) Elle est rapportée dans l' introduction du tom. Ier du Choix des poésies originales des troubadours, pag. xj et xij.

(2) Bibl. hisp. vetus, lib. VI, cap. XVI.

(3) Introd. du tom. Ier, p. xvj.

Plus les monuments de cette langue sont anciens, plus ils offrent de rapports d' identité avec la langue romane. Ainsi, le mot TRO, préposition romane, se trouve encore dans cinq manuscrits du Fuero Juzgo, au lieu de hasta (1) qui l' a remplacé depuis long temps.

Dans les mots vinagre, desastre, l' E roman, se trouve conservé, quoique l' E d' astre et de agre, romans, ait été changé en O dans astro, agro, espagnols.

Je ne crains pas d' avancer que dans le Fuero Juzgo presque la moitié des mots sont entièrement romans, et qu' une partie des autres le redeviendrait par le seul retranchement de la voyelle finale euphonique, ou par des modifications très légères.

J' indiquerai bientôt les nombreux rapports de la langue espagnole avec celle des troubadours. Pour rendre ces rapports plus faciles à saisir, il importe d' expliquer quelques-unes des modifications auxquelles la langue romane primitive a été soumise.

(1) Dans le texte imprimé, on lit: Entró al dia. Des manuscrits portent: Fasta el dia; d' autres: Ata. Il en est cinq dans lesquels on lit: Tro al dia. Fuero Juzgo, II, I, 24, not. 27.

O roman changé en UE espagnol.

Ce changement, qui a existé même dans la langue des troubadours, est très commun dans la langue espagnole (1); ce n' est qu' un accident euphonique, et peut-être on n' aurait pas dû regarder comme irréguliers, des verbes qui, en quelques modes, ou en quelques temps, prennent UE, au lieu de l' O primitif. Il paraît qu' autrefois UE et O ne différaient pas dans la prononciation, puisque l' ancien poëme du Cid emploie muerte, fuerte, luen, fuent, comme assonantes, avec carrion, campeador, amor, sol, (2) etc.

(1) Je crois convenable d' entrer dans quelques détails.

Substantifs: Poblo, morte, forza, torto, prova, dona, cor, etc., ont produit: Pueblo, muerte, fuerza, tuerto, prueba, dueña, cuer, etc.

Adjectifs: Bono, novo, fort, moble, nostro, etc., sont devenus:

Bueno, nuevo, fuerte, mueble, nuestro, etc.

Verbes. Tels que: Fo, fora, foron, fossen, etc., rogo, demostra, tolga, poda, demostra, poden, ont été changés en Fué (fue), fuera, fuéron (fueron), fuesen, etc., ruego, demuestra, tuelga, pueda, demuestra, pueden.

Participes: De posto, morto, etc., on a fait: Puesto, muerto, etc.

Conjonctions: Pos, depos, ont été modifiés en Pues, después.

Il m' a paru inutile d' indiquer les passages du Fuero Juzgo ou de la Collection de poesías castellanas anteriores al siglo XV, dans lesquels se trouvent les mots que je rapporte, surtout les variantes du Fuero Juzgo.

(2) “Por muchos versos de este poema se ve claramente la pronunciación que daban en aquellos tiempos a muchas voces que en los de Berceo ya se pronunciaban de otra manera; y así se ve con mucha frecuencia que las voces muerte, luen, nues, fuent, etc., son asonantes de carrión, campeador, amor, sol, etc., en las cuales no sólo el diptongo UE se convertía siempre en O sino que la última sílaba o vocal se suprimía a veces en la escritura, a veces en la pronunciación.”

Sánchez, Coll. de poes. cast. ant. al sig. XV, t. I, p. 224.

I placé devant l' E dans l' intérieur des mots.

Les anciens monuments de la langue espagnole contiennent plusieurs mots qui avaient conservé encore leur forme romane et qui ensuite prirent IE, au lieu d' E intérieur. (1) Cette modification donna surtout aux verbes une forme qui passe aujourd'hui pour une anomalie, lorsqu' elle n' est appliquée qu' à certains modes ou à certains temps.

(1) Les exemples suivants sont tirés seulement du Fuero Juzgo, et surtout des variantes.

Substantifs: Bisneto, tenebras, juramento, tempo, salvamento, tormento, defendimento, medo, setembro, etc., au lieu de Bisnieto, tinieblas, juramento, tiempo, salvamiento, tormiento, defendimiento, miedo, setiembre, etc.

Adjectifs: Aberto, encuberto, destro, etc., pour Abierto, encubierto, diestro, etc.

Verbes: Acerto, adestra, atendo, perde, sento, adverte, encerren, tendan, mentan, pour Acierto, adiestra, atiendo, pierde, siento, advierte, encierren, tiendan, mientan.

AL roman changé en O espagnol.

Le changement de l' L en U, et de l' AU en O (2), a aussi lieu dans la langue espagnole.

Adverbes: Cegament, destrament, pour Ciegamente, diestramente.

(2) Roman: Aur, causa, pausar, raubar, etc.

Espagnol: Oro, cosa, posar, robar, etc.

Ainsi altro a changé l' L en U, et de l' AU d' autro, est venu otro. (1)

(1) On trouve un fréquent emploi d' altro dans les Fueros d' Oviedo, p. 97, 98, 99 et 101 du tome IV de la collection intitulée: Noticias de las provincias vascongadas, par Llorente.

Changement des consonnes placees devant l' L.

La langue espagnole change en L diverses consonnes, quand elles se trouvent placées devant L.

Cl, en ll; llamar, llave, etc.

Fl, en LL; llama, etc.

Pl, en ll; allanar, llaga, lleno, llover, etc.

F changé en H aspiré.

L' F placé au commencement des mots romans, fut souvent changé en H aspiré (2); des ouvrages anciens ont conservé la forme romane.

(2) Hazer (hacer), hierro, hiel, higo, etc.


T changé en D.

Le T placé dans plusieurs mots romans fut quelquefois changé en D; (3) mais on rencontre souvent, dans les anciens monuments, le T primitif.

(3) Abad, deidad, edad etc.


V changé en B.

Le V fut quelquefois changé en B. (4: Bogar, bolar, berruga, bermejo, etc.)

Terminaison BRE dans quelques substantifs espagnols.

Plusieurs substantifs espagnols qui d' abord avaient été terminés en E, y substituèrent BRE; (1) ainsi, d' ome vint hombre, etc.

(1) Hambre, nombre, lumbre, etc., répondent en espagnol aux mots romans: Fam, nom, lum, etc. On trouve dans les anciens monuments espagnols, Fame, nome, lume, etc.

Mais il est à remarquer que cette terminaison BRE ne se trouve guère dans les anciens auteurs; aussi a-t-on reconnu qu' en recopiant l' ouvrage manuscrit de don Juan Manuel, intitulé, El conde Lucanor, le mot d' hombre avait été parfois substitué à l' ancien mot ome. (2: Bouterwek, Hist. de la litt. espag. liv. I, sect. I.)

Terminaisons des substantifs et des adjectifs romans conservés par la langue espagnole.

Dans les substantifs et dans les adjectifs espagnols autres que ceux qui prennent l' A féminin final, on trouve les terminaisons romanes suivantes, qui seront l' objet d' une comparaison spéciale avec les autres langues.

Substantifs: Age, al, an, ar, art, ad, at, el, en, ent, ment, er, es, il, in, it, ol, olp, on, ion, ont, or, ot, uc, ut.

Adjectifs: Al, an, ant, ar, el, ent, il, it, olz, on, ulz, un.

De nombreuses terminaisons de substantifs et d' adjectifs espagnols ont aussi des rapports particuliers avec la langue des troubadours. (1:

Voici le tableau des principales; plusieurs ajoutent l' E ou l' O final euphonique.

A masc. Herege. Enfermo. M. Seguro. Quinto.

Quaresma. Monge. Signo. Hambre. S. Cristo.

Legista. Porche. Digno. Salmo. Vaso. Triste.

B. Culpable. Himno. Extremo. Graso. Fruto.

Cabo. Feble. Reyno. Yelmo. Falso. Escote.

Albo. Visible. Fabro. Diezmo. Guarzo. Insulto.

Plebe. Simple. Libro. Racimo. Senso. Fronte.

Verbo. Moble. Sepulcro. Primo. Incenso. Pronto.

Corvo. Doble. Agro. Infirmo. Verso. Preboste.

C. Pueble. Milagro. Pomo. Diverso. Tributo.

Saco. Mueble. Magro. Lumbre. Lis. Astuto.

Flaco. Fraile. Miembro. N. País. Punto.

Banco. Aire. Ministro. Carne. Paradiso. Furto.

Franco. Fraire. Malato. Lleno. Amoroso. Gusto.

Marco. Ome. Apto. Infierno. Pulso. Robusto.

Largo. Peine. Cuento. Eterno. Responso. U et V.

Pasco. Liebre. Texto. Peregrino. Curso. Nao.

Frasco. Fiebre. Astro. Contorno. Uso. Llave.

Seco. Gengibre. Fieltro. O. Confuso. Suave.

Fresco. Setiembre. Cabestro. Pro. T. Breve.

Rico. Cobre. Siniestro. P. Pacto. Cautivo.

Loco. Cofre. Nuestro. Capo. Tacto. Salvo.

Poco. Vinagre. Freixo. Campo. Salto. Calvo.

Tronco. Alegre. I. Cepo. Asalto. Novo.

Porco. Desastre. Sabio. Sierpe. Canto. Nervo.

Caduco. Maestre. Silencio. Tipo. Rapto. Servo.

Brusco. Azufre. Remedio. Galope. Apto. Y.

D. Conte. Evangelio. Colpe. Parto. Mayo.

Laido. Oste. Olio. Estribo. Quarto. Rayo.

Caldo. O pour E Imperio. R. Basto. Ley.

Mando. Mondo. Contrario. Vero. Gasto. Rey.

Blando. Diablo. Diluvio. Hierro. Decreto. Z.

Dardo. Siglo. L. Vitriero. Secreto. Paz.

Tardo. Amplo. Melle. Mártir. Desierto. Solaz.

Mundo. Templo. Felle. Suspiro. Cierto. Imperatriz.

E. Exemplo. Hilo. Oro. Digesto. Dulz.

Fe. Carbunclo. Dolo. Toro. Manifesto. Voz.

Conde. Masclo. Muro. Dreito. Cruz.


Patois d' Espagne.

On retrouve encore dans les patois de chaque pays quelques vestiges de formes anciennes qui ont été conservées par le peuple.

Ainsi, la langue valencienne se rapproche de la langue romane plus encore que l' espagnol. (1: On en voit dans l' Oraison Dominicale en langage valencien, imprimée dans le Mithridates d' Adelung, t. 2, p. 554, diverses preuves assez remarquables:

Cel, sanctificad, nom, voluntad, pa, mal, perdonam, com, sans voyelle euphonique finale, teu, nostre, pronoms romans, etc.)

Il en est de même du patois de Mayorque. (2: Dans l' Oraison Dominicale en langage de Majorque ibid., on trouve pareillement sanctificat, nom, voluntad, cel, com, perdonam, sans voyelle euphonique finale, et les pronoms nos altres, tot, etc.)

Un savant espagnol, qui s' occupa beaucoup de la recherche des anciens titres et des vieux manuscrits, assure avoir trouvé dans les Asturies et dans la Navarre des documents anciens dont l' idiome était semblable à l' idiome catalan. (3: Real academia de Barcelona, t. I, part. 2, p. 628.)

L' évêque d' Orenze, ayant été prié d' examiner le langage vulgaire de la Galice et de vérifier s' il avait quelque conformité avec le catalan, répondit que le peuple, qui seul parle l' idiome vulgaire en Galice, non-seulement emploie des noms, des verbes et d' autres dictions entièrement identiques avec l' idiome catalan, mais même des phrases entières. (1)

Un écrivain, qui a traité à fond de la paléographie espagnole, compare l' idiome des habitants de la Galice à celui des habitants des Asturies et trouve qu' il est le même. (2) Selon lui, la manière de prononcer constitue toute la différence.

Ce qui surprendra peut-être davantage, c' est de voir l' idiome roman dominant encore comme vulgaire dans le royaume de Grenade à une époque ou l' idiome espagnol était déja généralement en usage en Castille et en d' autres parties de l' Espagne.

Vers la fin du treizième siècle, dans des disputes dogmatiques qui eurent lieu entre les juifs du royaume de Grenade et les naturels du pays d' une part et saint Pierre Pascal de l' autre, celui-ci, quoique instruit et versé dans l' idiome castillan, ainsi que le prouvent ses ouvrages écrits en cet idiome, était obligé de se servir de l' idiome catalan; et la rédaction des conférences fut faite en cette langue. (3)

(1) “Abbia observado, no sólo nombres y verbos y otras dicciones totalmente unívocas col el idioma de Cathaluña, sino también algunas cláusulas enteras.” Real acad. de Barc. p. 613.

(2) Terreros, paleogr. p. 208 et 210.

(3) Titol primer qui comença la questio sobra la lei de Moyses:

“Senyer En christiá, prech vos que us placia a mi de respondre sobra una questio de la qual desig hoyr vostra resposta segons fé christiana, etc.”

Real acad. de Barc. p. 615.

Il importe donc de se faire une idée de cet idiome catalan auquel se rapportaient plusieurs patois espagnols.

Langue catalane.

Le catalan est, de tous les idiomes qui appartiennent à la langue romane, celui qui s' en rapproche le plus, sans en excepter peut-être l' idiome des Vaudois. (1: Voici quelques-unes des légères modifications qui établissent des nuances entre la langue romane et l' idiome catalan.

L' article pluriel féminin LAS, les substantifs et adjectifs féminins en AS, changent AS en ES, quoique les singuliers gardent l' A primitif.

(N. E. Antes de Pompeyo Fabra se encuentran todavía los plurales femeninos con AS en el dialècte occitan catalan. Ejemplos, las casas, igual que en castellano; apellidos como CasasnovasJunqueras. Raynouard publica estos tomos en los años 1816-1821.)

Les substantifs et les adjectifs terminés en AN, EN, IN, UN roman, prennent la lettre finale euphonique Y: Ann, affan, estran, sen, engin, llun, se changent en Anny, affany, estrany, seny, enginy, lluny.

(N. E. ¿Por qué encuentra tantas diferencias Raynouard entre la lengua romanceoccitano, con el dialecto catalán? En los tomos anteriores encontramos las palabras estranhestanhlunh, etc.)

Quelquefois cet Y s' incorpore dans les mots mêmes, comme dans Menys.

L' Y est aussi employé, mais rarement, pour ET, ainsi qu' en espagnol. (N. E. Et, e, &, y, i)

L' E se change quelquefois en I: Propres, propris; et cette modification s' applique même aux participes en ENT, et on dit: Dormint, servint, fugint, dans les verbes en IR, et premint, etc., dans les verbes en ER ou RE.
(N. E. la terminación t, en la lengua romance, se omite en muchísimos casos que se pueden leer en los tomos anteriores, 1-5.)

Il arrive que l' S se change en X: Axi, puix; AI en E, l' L en LL au commencement et à la fin des mots Aquell, ull, llochlluny, etc.

(N. E. ¿Cuándo empieza a generalizarse este cambio?)

L' U final se joint à quelques inflexions des verbes; je ne crois pas nécessaire d' entrer à cet égard dans des détails minutieux.

Il est assez remarquable que les Pyrénées et les Alpes offrent ainsi parmi les peuples voisins qu' elles séparent de la France, le langage qui a le plus de rapport avec la langue romane.

Le catalan est depuis long-temps une langue fixée; elle a des grammaires, des dictionnaires. Un très grand nombre de livres catalans sont imprimés, et il en existe un nombre bien plus considérable en manuscrit. (N. E. Pues el swahili no debe ser una lengua, ni lo serían el Quechua y muchas otras, incluso ya extinguidas.)

Accident singulier! la différence la plus remarquable qui existe entre la langue des troubadours et les idiomes des Catalans et des Vaudois, c' est que ni l' un ni l' autre n' a retenu la règle fondamentale qui, par la présence ou l' absence de l' S, désigne les sujets ou les régimes, soit au singulier, soit au pluriel. Il semble que cette règle n' ait pu franchir ni les Pyrénées, ni les Alpes.

Mais un caractère de l' idiome catalan, c' est d' avoir employé les affixes romans. (1)

Je l' ai dit, et je crois devoir le répéter, le catalan est un idiome régulier, soumis à des formes constantes; il mérite un rang honorable dans l' opinion des savants qui étudient le mécanisme des langues et les formes qui les caractérisent. (N. E. Lean ustedes a Meyer-Lübke, por ejemplo.)

(1) En voici la preuve tirée des poësies d' Ausias March: (N. E. ¡Madre mía, Ausias March, valenciano, escribiendo en dialecto provenzal catalán. ¿Conocería Raynouard la Vita Christi de Isabel de Villena, “açi comença un vita Christi en romanç”, o la Biblia de Bonifacio Ferrer, traducida del latín a la nostra (llengua) valenciana, de la que sólo queda una página?

¿Sabría que en los años 1461, 1462, e incluso después de Nebrija aún usaban el hoc, oc, òc : sí en Cataluña?)

M. Tal delit sent que no m cuyt ser al mon. (c. 1.)

Mostra m la llum de vera esperança. (c. 3.)

T. No solament los leigs qui t venen contra, (c. esp.)

S. Qui per montar ab be que no s pot perdre, (c. 21.)

NS. Be NS mostra Deu lo mon que vol finir, (c. m. 5.)

US. Tot mon parlar als qui no US auran vista. (c. 11.)

(N. E. ¿Por qué no escribe Raynouard la tabla de palabras que usa con las demás lenguas de Europa? Me parece un tanto sospechoso.)


Langue Portugaise.

L' ordonnance de 734 qui prouve l' existence de la langue romane en Espagne, sert aussi à prouver qu' elle existait en Portugal, puisque Alboacem régnait à Coïmbre.

S' il fallait s' en rapporter à l' assertion de quelques philologues, le Portugal aurait droit de s' enorgueillir d' un monument littéraire très ancien. (N. E. Otros autores colocan esta fecha unos 300 años después. Supongo que algunos autores, como por ejemplo Casiri, habrán fijado con documentos el reinado de Alboacem en Coimbra.)

Manuel de Faria y Souza, a publié (1: Europa portuguesa, t. III, p. 379. ) des fragments d' un poëme relatif à l' invasion des Maures en Espagne, et il a prétendu que le manuscrit fut trouvé lors de la prise du château de Luzan défendu par les Maures, sous le premier ou le second roi de Portugal. Cet historien suppose à ce poëme une antiquité très reculée, et il semble croire qu' il fut composé lors du fatal événement qui en a fourni le sujet. Un examen approfondi du langage dans lequel les fragments de ce poëme sont écrits ne permet pas de lui assigner une haute antiquité; on n' y remarque point les signes qui caractérisent des monuments littéraires portugais du douzième et du treizième siècles où se retrouvent des formes romanes (2: Telles que les articles el, lo, la, etc., les pronoms ma, sa, etc.) qu' on chercherait en vain dans les vers de ces fragments.

Mais la littérature portugaise possède d' anciens documents (1), qui sont d' une époque plus reculée.

Il est à regretter que le manuscrit unique du roman d' Amadis, composé par Vasco de Lobeira, ait péri avec la bibliothèque du duc d' Arveiro, lors du désastre de Lisbonne, en 1744.

Deux sonnets qu' on lit dans les œuvres d' Antonio Ferreira, écrits en langage ancien, à l' imitation de celui d' Amadis, offrent quelques formes romanes (2), et sans doute l' Amadis portugais aurait fourni des exemples curieux.

Le Cancioneiro de Resende ne renferme pas de pièces anciennes; ce recueil est très recherché, mais c' est à cause de sa rareté; son mérite est plus bibliographique que littéraire.

Une collection précieuse qui m' a été très utile, c' est le Cancioneiro manuscrit que possède la bibliothèque du collége royal des Nobles de Lisbonne. (3)

(1) Voyez l' ouvrage intitulé: Elucidario das palavras, termos e frases que em Portugal antiguamente se usárâo, etc., por Fr. Joaq. de Santa Rosa de Viterbo. Lisboa 1798 et 1799; 2 vol. fol.

(2) Telles que EL employé comme pronom personnel, SAS comme pronom possessif, etc.

(3) Le chevalier Charles Stuart, ambassadeur d' Angleterre en France, avait fait prendre une copie de ce manuscrit pendant son séjour à Lisbonne. Il a bien voulu me le communiquer, et il m' a autorisé à en prendre des extraits. L' idiome de ce Cancioneiro est portugais gallicien, qui, pour me servir des expressions de la note placée en tête de la copie:

“Se falou na provincia d' entre Douro e Minho, nos premieros seculos da monarquia e qual se usou muito na poesia entre nós e os Gallegos e Casthelhanos, ainda em tempos, em que o dialecto portuguez em geral se hia polindo e separando do Galliziano extreme, que no seculo X et XI se fallava em toda a Galliza e Portugal ate Coimbra.”

La copie que possède le ch. Stuart est terminée par ces mots:

“Copiado e conferido por mim Bernardo Jozè de Figueiredo e Silva, com faculdade regia para autlenticar documentos de letra antiga. Lisboa 19 de mayo 1810.” Bernado Jozè de Figdo e Sa.

J' y ai trouvé, plus qu' en tout autre ouvrage portugais, des vestiges de la langue romane, et des formes identiques avec l' idiome des troubadours. Je me bornerai maintenant à indiquer quelques-uns des changements que la langue portugaise a fait subir aux mots de la langue romane primitive.

Changement de l' AU en OU, de l' OC en OU.

La langue portugaise changea souvent en O, l' A qui précédait l' U, (1) et l' OC fut changé en OU. (2)

(1) Auro, auvir, autro, ausar, pauco, causa, autòno, repauso, ont produit: Ouro, ouvir, outro, ousar, pouco, cousa, outòno, repouso.

(2) Doctor, doctrina, etc., devinrent doutor, doutrina, etc.

Suppression de l' L dans l' intérieur et a la fin des mots.

Cette suppression intérieure est très commune en portugais. (1)

L' L fut quelquefois supprimé à la fin des mots. (2)

L intérieur changé en R.

Les mots qui avaient l' L intérieurement prirent un R à la place. (3)

M ajouté, comme consonne euphonique, a la fin de quelques mots portugais.

La langue portugaise ajouta souvent l' M à la fin des mots en E bref, en I.

La terminaison romane AGE reçut assez généralement l' M final. (4)

(1) De Malo, celo, filo, velo, dolente, salude, soler, vigilar, etc., vinrent Mao, ceo, fio, veo, doente, saude, soer, vigiar, etc.

(2) Avol, pol, etc., furent changés en Avò, pò, etc., et cet accent (* ò) désigna la suppression de la consonne finale.

(3) Noble, doble, blanco, playa, placa, esclavo, plazer, planto, emplegar, flaco, simpleza, doblar, exemplo, etc., produisirent: Nobre, dobre, branco, praya, praca, escravo, prazer, pranto, empregar, fraco, simpreza, dobrar, exempro, etc.

(4) On trouvera dans le cours de l' ouvrage des preuves que parfois les terminaisons romanes ont été conservées par divers auteurs.

L' M fut de même ajouté souvent à si, mi, assi, qui devinrent sim, mim, assim, etc. (1: Barros emploie souvent assi pour assim.)

M employé au lieu da l' N final des mots portugais.

La langue portugaise place souvent à la fin des mots l' M pour l' N primitif (2: Fim, jardim, latim, som, um, etc. etc.); mais quand le mot, primitivement terminé par l' N, est uni et confondu dans les dérivés, il le reprend intérieurement. Ainsi, Fim, jardim, som, dom, etc, gardent l' N dans final, jardineiro, sonoroso, donativo, etc.

N intérieur supprimé dans les mots portugais.

Plusieurs mots perdent l' N intérieur. (3: Pano, capellano, mano, rana, lana, grano, pleno, arena, vena, mensa, cenar, vanitade, luna, etc., produisirent: Pao, capellao, mao, rao, lao, grao, cheo, area, vea, mesa, cear, vaitade, lua, etc.)

PL changé en CH.

Des mots commençant par PL, ont pris à la place CH. (4: De Plantar, plano, pleno, plaga, plorar, plover, plumbar, plumbo, etc., vinrent: Chantar, chao, cheo, chorar, chover, chumbar, chumbo, etc.)

Changement du T en D.

La langue portugaise changea souvent, comme la langue espagnole, le T final ou pénultième en D: libertade, abbade, etc..

Divers autres changements de consonnes et de voyelles.

RL se change en LL: farlar a produit fallar;

ST en SS: de nostro est venu nosso.

L' S prend l' E devant plusieurs mots, tels que espectaculo, estylo, etc.. etc.. (N. E. castellano, espectáculo, estilo.)

Je crois ne devoir pas m' arrêter davantage sur les modifications que la langue portugaise a fait subir à la langue romane primitive.

Désinences communes aux substantifs et aux adjectifs romans et portugais.

Elles sont assez nombreuses (1), et il est à remarquer que le portugais a employé l' H après l' L et l' N, et a eu des substantifs et des adjectifs terminés en LH et NH, en y ajoutant la voyelle euphonique.

(1) On trouvera dans le cours de l' ouvrage la comparaison des désinences suivantes. Pour les substantifs: Age, al, am, ar, ad, el, em, er, es, il, im, ol, om, und, or, ul;

Et pour les adjectifs: Al, am, ar, el, il, un.

Voici l' indication des principales désinences qui, soit conservées

intégralement, soit soumises à une légère modification, correspondent aux désinences romanes.

A. D. O POUR E. H après L, N. Fel. Commun.

Systema. Saldo. Domingo. Trabalho. Feel. P.

Legista. Mando. Amplo. Malho. Abril. Guapo.

B. Fardo. Templo. Talho. Subtil. Campo.

Balbo. Tardo. Exemplo. Conselho. Sol. Serpe.

Plebe. Bando. Psalmo. Velho. Mulo. Galope.

Globo. Mundo. Termo. Olho. M. Golpe.

Verbo. E. Ermo. Folho. Enxame. Estrepe.

Rombo. Fè. Reino. Banho. Ramo. R.

Chumbo. Salvage. Signo. Estanho. Palmo. Altar.

Corvo. Monje. Hymno. Estranho. Calmo. Avaro.

C. Dobre. Membro. Desenho. Remo. Prazer.

Sacco. Nobre. Setembro. Engenho. Extremo. Vero.

Fraco. Milagre. Sepulcro. Lenho. Elmo. Ferro.

Prosaico. Segre. Agro. Punho. Verme. Barbeiro.

Banco. Baile. Magro. Junho. Firme. Honor.

Franco. Conde. Congro. I. Racimo. Senhor.

Marco. Ome. Sogro. Pai. Primo. Muro.

Largo. Lume. Encontro. Maio. Pomo. Seguro.

Frasco. Lebre. Feltro. Baio. Lume. Ouro.

Rouco. Febre. Astro. Proverbio. Fumo. Touro.

Beico. Gengibre. Destro. Cambio. N. Martyr.

Cego. Libre. Ministro. Lei. Affano. S.

Fresco. Cobre. Sinistro. Necio. Soberano. Vaso.

Amigo. Cofre. Cento. Evangelho. Carne. Crasso.

Rico. Alegre. Apto. Capitâo. Terrenho. Esparso.

Fogo. Tigre. Texto. Principio. Pleno. Escasso.

Tronco. Maestre. G. Ordinario. Inferno. Descalço.

Porco. Semestre. Lago. Contrario. Eterno. Marquez.

Bosque. Ventre. Mago. Diluvio. Peregrino. Espesso.

Tosquo. Padre. Largo. Sabio. Bom. Encenso.

Duque. Oste. Jogo. L. Morno. Verso.

Brusco. Bronze. Jugo. Mal. Torno. Diverso.

Paraiso. Ingrato. Deserto. Forto. Cativo. Luxo.

Riso. Assalto. Certo. Preboste. Ovo. Influxo.

Noioso. Alto. Testo. Imposto. Nove. Y.

Amoroso. Canto. Manifesto. Tributo. Calvo. Pay.

Falso. Tanto. Marido. Statuto. Salvo. Rayo.

Pulso. Parte. Apetite. Punto. Nervo. Rey.

Dorso. Arte. Direito. Furto. Servo. Grey.

Urso. Quarto. Meito. Fuste. X. Z.

Uso. Basto. Triste. Robusto. Graxo. Paz.

Abuso. Casto. Fruto. U et V. Sexo. Imperatriz.

Confuso. Discreto. Escote. Nao. Prefixo. Noz.

T. Dente. Trote. Clave. Fixo. Voz.

Gato. Contento. Prompto. Suave. Prolixo. Gozo.

Grato. Mandamento Sorte. Breve. Flux. Luz.


Langue italienne.

Plusieurs philologues ont prétendu que le peuple de Rome et les habitants des campagnes de l' Italie avaient, même pendant les beaux jours de la république et de l' empire, un langage vulgaire autre que la langue latine; et que de ce langage se forma ensuite l' idiome Italien.

Si l' on se bornait à dire que, dans Rome et dans les pays voisins où le latin était la langue publique, des personnes peu instruites, et le peuple surtout, défiguraient souvent cette langue, s' exprimaient d' une manière insolite et incorrecte; si l' on ajoutait que, dans leur bouche, le latin ne fut plus qu' un langage vulgaire et rustique, et qu' au lieu des mots propres, des formes grammaticales, des tournures élégantes, le peuple et les ignorants usaient souvent de mots grossiers, de formes inusitées, de tournures vicieuses, il ne serait pas convenable de contester de telles assertions, soit parce que ces circonstances se rencontrent dans tous les pays où il existe une langue savante que le peuple ne saurait parler avec pureté, soit parce que des preuves irrécusables démontrent qu' elles ont particulièrement existé en Italie, dans le temps même de la plus grande perfection de la langue latine.

Mais si ces philologues ont voulu dire que, dans le siècle d' Auguste, il existait à Rome, concurremment avec la langue latine, un idiome vulgaire qui a précédé et préparé la langue italienne, c' est-à-dire un idiome particulier, qui faisait usage des articles, des verbes auxiliaires, et qui avait les autres caractères romans distinctifs, quand le latin n' employait aucun de ces caractères spéciaux, les personnes les moins impartiales seront forcées de convenir qu' aucune preuve, que même aucun indice raisonnable ne permet d' adopter ces assertions.

Et même les savants qui ont démontré que le peuple de Rome et des campagnes parlait un latin corrompu, se servait d' expressions, de termes insolites ou inélégants, et de tournures triviales, n' ont-ils pas fourni, par leurs propres recherches, une preuve évidente qu' il n' existait pas à Rome un idiome particulier, puisque ces termes, ces mots, quoique grossiers, étaient toutefois employés selon l' esprit et d' après les formes de la grammaire latine?

Parmi les doctes italiens qui ont examiné cette question, je choisirai l' opinion du cardinal Bembo; elle me paraît une autorité aussi décisive qu' imposante.

Il dit très judicieusement que, si un idiome vulgaire et différent du latin avait été en usage parmi le peuple, il serait bien extraordinaire qu' on n' en retrouvât aucun vestige dans les nombreux monuments de l' époque, surtout sur les anciens édifices et dans les inscriptions sépulcrales. (1: Che se ella stata fosse a quelle stagioni, se ne vederebbe alcuna memoria negli antichi edificii et nelle sepolture, si come se ne vedono molte della latina e della greca. Che, come ciascuno di noi sa, infiniti sassi sono in Roma, servati dal tempo infino a questo dì, scritti con latine voci et alquanti con greche, ma con volgari non niuno, e mostranvisi a riguardanti in ogni parte et in ogni via titoli di vilissime persone in pietre senza niuna dignità scritti e con voci nelle regole della lingua et della scrittura peccanti, sì come il volgo, alle volte quando parla e quando scrive, fa, nondimeno tutti o greci o latini. Che se la volgar lingua a que' tempi stata fosse, posto che ella fosse stata più nel volgo, come que' tali dicono, che nel senato o ne' grandi huomini, impossibile tuttavia pure sarebbe che, almeno tra queste basse e vili memorie che io dico, non se ne vedesse qualche segno. Oltra che ne' libri ancora si sarebbe ella, come che sia, trapelata et passata infino a noi; che non è lingua alcuna, in alcuna parte del mondo, dove lo scrivere sia in usanza, con laquale o versi o prosa non si compongano et molto o poco non si scriva, solo che ella acconcia sia alla scrittura, come si vede che è questa. Bembo, della volgar lingua, lib. I.)

Je ne serais pas étonné si l' on découvrait en Italie quelque monument

très ancien de la langue vulgaire du pays pendant le moyen âge, c' est-à-dire de l' idiome commun roman; mais je suis forcé de dire que les preuves fournies jusqu'à présent sont loin de démontrer l' existence très ancienne d' un idiome qui différât du latin par ces formes et ces particularités qui caractérisent la langue romane.

Deux chants populaires nous ont été conservés par l' histoire d' Italie.

L' un fut composé en 871 pour exciter l' intérêt public en faveur de Louis II, empereur, qui avait été fait injustement prisonnier.

L' autre est le chant par lequel les soldats s' animaient à la défense de Modêne, assiégée par les Hongrois en 924.

Tous deux sont en vers latins. (1: Muratori diss. XL.) Ne faut-il pas admettre que l' Italie n' avait pas alors une langue particulière assez formée pour qu' elle servît à transmettre au peuple les idées et les sentiments qui devaient l' animer, puisqu' on composait en langue latine les chants qui lui étaient adressés?

L' ancienne langue des Osques, dont quelques mots se retrouvent dans les fragments d' Ennius (2) et ailleurs, paraît avoir eu un des caractères élémentaires qui ont distingué la langue romane.

(2: Les Osques disaient: Coel, famul, debil, gau, mi, sos, sas, mots dont la forme est entièrement romane, pour les mots latins, Coelum, famulus, debilis, gaudium, mihi, suos, suas (* Mém. de l' acad. des Inscr. et Bell.-Lettr., t. XXIV, p. 599. Ennii fragmenta, passim.)

Mais comme cette langue portait le retranchement des désinences plus loin que la langue romane, et disait Pol, volup, do, pour pollucem, voluptatem, domum, latins, et que d' ailleurs rien ne permet de supposer qu' elle ait employé les articles, les verbes auxiliaires, etc., il n' est guère permis de supposer que cette langue ait influé sur la formation de la langue commune romane.)

Cependant il n' est pas permis de méconnaître l' existence ou l' introduction de la langue romane en Italie, à l' époque très ancienne où divers documents nous offrent quelques vestiges, quoique rares et épars, de cette langue. J' ai rapporté précédemment (1) des témoignages irrécusables au sujet de l' emploi des articles; j' y ai joint d' autres preuves du même genre, et j' ai recueilli des faits historiques qui les fortifient.

(1) Éléments de la grammaire romane avant l' an 1000, pages 43, 44.

Choix des poésies originales des troubadours, t. 1, introduction pag. XIV, XVI et XVII.

On pourrait ajouter d' autres autorités aux diverses preuves que j' ai rapportées.

Une forte preuve de l' antiquité de la langue italienne me semble résulter de l' existence des patois qui sont encore en usage dans les différents pays compris sous le nom de haute Italie.

L' identité des formes élémentaires permet de reconnaître dans ces patois les témoins et les débris de l' ancienne langue commune, de cette romane rustique que chaque pays a modifiée successivement pour en composer son langage particulier. (1: Lisez, à ce sujet, les savantes dissertations de M. le comte Perticari dans l' ouvrage intitulé: Proposta di alcune correzioni ed aggiunte al vocabolario della Crusca.)

Ces patois ont avec la langue des troubadours encore plus de rapports et de conformité que la langue italienne. (2: Denina, dans ses Observations sur les dialectes d' Italie, (a: Mém. de l' Acad. de Berlin, an. 1797.) dit: “Notre patois, lombard, milanais et piémontais, n' ayant pas retenu la terminaison en O et en I du toscan, etc.”

Dans l' appendice, placé à la fin de ce volume, on trouvera les exemples de chaque patois de la haute Italie; et ces preuves incontestables de leurs rapports plus intimes avec la langue romane primitive, ne seront peut-être pas sans intérêt.

Qu' on me permette d' indiquer ici rapidement les principaux de ces patois.

Le Ferrarais est un de ceux qui ont conservé plus intégralement les formes romanes, sans y mêler beaucoup de formes particulières ou étrangères.

Le Bolonais, au contraire, use souvent de contractions, d' aphérèses et d' apocopes. (b: Diavl, prgar, tgni, lzier, pr, qsi, etc., pour Diavol, pregar, tegni, lezier, per, quasi, etc.

Il termine en a, i, u, des noms qui devraient l' être en at, it, ut.)

Le patois Milanais offre la particularité très remarquable d' employer EM pour la première personne du pluriel d' AVER au présent de l' indicatif; il a ER final dans plusieurs mots, au lieu de RE, (a: Sepolcher, noster, etc., au lieu de sepolchre, nostre, etc.)

et supprime l' R final du présent de l' infinitif. (b: Ausà, vedè, dì, etc., pour Ausar, veder, dir. )

Il termine souvent en AA, en II, en UU des substantifs et des participes primitivement en at, en it, en ut. (c: Soldaa, veritaa, peccaa, lavaa, passaa, servii, gradii, avuu, sconduu, poduu, etc. etc. )

Il emploie quelques contractions et mutations de consonnes et se sert, surtout alors, de T et S affixes pour TE, SE.

Le Bergamasque a conservé beaucoup de formes romanes, et entre autres l' inflexion ST de la seconde personne des parfaits simples de l' indicatif au singulier. (d: Fust, amest, etc.)

Il supprime ordinairement l' N dans les désinences en ment, et l' R final du présent des infinitifs.

Il change l' E roman en O. (e: Ainsi, au lieu des articles el, del, il dit ol, dol.)

Le patois d' Engaddine (f) a beaucoup conservé des formes romanes essentielles qu' on reconnaît aisément à travers les modifications qu' il a subies.

(f) J' aurais pu indiquer beaucoup d' autres patois du pays des Grisons, de Vaud, et d' autres contrées de la Suisse, et établir des conjectures qui permettraient de croire à l' ancienneté de ces patois: je me suis borné à citer celui qui, fournissant une bible, traduite depuis long-temps, permet de donner des exemples incontestables. Le voisinage, et même le mélange de la langue allemande, ont influé surtout sur la prononciation du patois d' Engaddine. Ainsi canta, cassador, etc. etc. se prononcent et s' écrivent tschantscha, tschasschador, etc. etc. Voyez, sur les patois romans de la Suisse, l' ouvrage intitulé: Die Landessprachen der Schweiz oder schweizerische Dialektologie, etc.., von Franz Joseph Stalder, pag. 349 et suiv.

Ainsi il dit AI pour E (a); il ajoute souvent le G à la fin des mots (b).

C' est de tous les patois celui qui a conservé plus spécialement les affixes. Il est à remarquer qu' il a conservé l' article pluriel LAS, par la raison que les pluriels féminins des substantifs et des adjectifs ont aussi la terminaison romane en AS.

La seconde personne du singulier du verbe esser, au présent de l' indicatif, est en AIST, qui représente l' EST roman, et l' inflexion de la troisième personne du prétérit de l' indicatif au singulier, est en ET, comme en roman, dans les verbes en AR.

Pour le patois Piémontais, il me suffira de renvoyer à la grammaire publiée par le docteur Pipin. (c)

Une singularité de ce patois, c' est qu' il n' a point de prétérit simple ni dans les verbes auxiliaires, ni dans les verbes soit réguliers, soit irréguliers.

Le patois Sarde a conservé plusieurs formes romanes, et entre autres des finales en consonne.

Un auteur a publié un ouvrage sur ce patois. (d)

Celui du Frioul a aussi divers caractères romans, et j' aurai occasion d' en citer des exemples.

(a) Mai, tai, quai, testamaing, aist, quaist, trais, pour Me, te, que, testament, est, quest, tres, etc.

(b) Eng, filg, volg, haig, saig, etc., pour Eu, fil, vol, hai, saig, etc.

(c) Gramatica piemontese del medico Maurizio Pipino. Torino, 1783.

Quoique dans cette grammaire l' article roman LO ne soit pas indiqué comme existant encore, on le retrouve dans une pièce de l' an 1321, placée à la fin du livre; on y lit, page 136: A lo nom.

(d) Saggio d' un' opera, intitulata: Il ripulimento della lingua Sarda, lavorato sopra la sua analogia colle due matrici lingue, la greca e la latina, etc., scritta da Mat. Madao, Cagliari 1782.

D' après tous ces faits, sera-t-on surpris de ce que plusieurs savants italiens ont pensé que leur langue tirait son origine de la langue provençale? A l' appui de leur opinion, je pourrais citer des locutions évidemment empruntées à la langue des troubadours, et qui restées dans la langue italienne ne sont plus en harmonie avec ses règles actuelles; ainsi, on trouve dans le dictionnaire de la Crusca:

Sal mi sia.

Sal, mot purement roman, est ainsi resté dans le langage ordinaire Italien. (1: Voyez Gramm. rom., chap. II.)

De même on trouve dans les anciens auteurs italiens des mots romans changés ensuite: Dia pour di. (2: Jacopone da Todi, lib. III, oda 22.)

Mais je réserve de pareils détails pour le vocabulaire où ils se trouveront à leur véritable place; et j' examine à présent les modifications qu' il faut reconnaître dans la langue italienne pour apprécier plus facilement les rapports de cette langue avec l' idiome des troubadours.

Désinences italiennes en consonnes.

Un auteur estimé qui a écrit l' histoire de la langue florentine atteste qu' autrefois (3) la plus grande partie des mots se terminait en consonnes; il cite même l' époque où les voyelles finales euphoniques furent introduites dans le langage florentin.

Cette assertion s' accorde parfaitement avec l' état des patois de la haute Italie, qui rejettent ces voyelles finales, et terminent leurs mots par les mêmes consonnes qui terminent les mots analogues de la langue romane.

Aussi est-il resté dans la langue italienne l' usage de supprimer à volonté les voyelles finales des mots dont la désinence est en l, m, n, r.

(3) Terminavano que' nostri antichi la maggior parte delle parole con le lettere consonanti, si come poco fa poteste comprendere nelle antichissime voci etrusche raccontateci dal Giambullari; e i Siciliani, per l' opposito, le finivano con le vocali, come apertamente vedere si può in molti vocaboli siciliani che si riconoscono ancora in que' primi compositori. Dicono adunque che Lucio, considerando la nostra pronunzia, e la Siciliana, e vedendo che la durezza delle consonanti offendeva tanto l' orecchio quanto per voi medesimo conoscete per le rime de' Provenzali, cominciò, per addolcire e mitigare quella asprezza, non a pigliare le voci de forestieri, ma ad aggiungere le vocali nella fine di tutte le nostre. Il che, se bene per allora non piacque molto se non a pochi, dopo la morte nientedimeno di esso Lucio, conoscendo si manifestamente la suavità e la dolcezza di tale pronunzia, cominciarono i Toscani a seguire la regola detta; e non solamente nelle composizioni rimate, ma nelle prose ancora e nel favellare ordinario dell' uno a l' altro; di maniera che, addolcite frà poco tempo, le parole aspre de' nostri antichi, et abbandonato quel dire incolto, si condussero appoco appoco a quella dolcezza che nel Petrarca avete sentita.

Origine della lingua fiorentina, altrimenti il Gello di M. Pierfrancesco

Giambullari academico fiorentino, Fiorenza, 1549.

L' autorité de Salviati est si décisive qu' il suffit de citer ce savant grammairien. (1: Lion. Salviati: Degli avertimenti della lingua sopra il Decamerone, t. 1, p. 212; il y explique les conditions auxquelles il est permis de supprimer la voyelle finale euphonique des désinences en L, M, N, R.)

Dans ses observations sur le Décaméron de Bocace, il déclare que ce grand écrivain avait écrit Decameron sans l' E final, qui n' a été ajouté que tard. (1: Quanto al nome Decameron, egli si legge tredeci volte nel libro de Manni e sempre nella stessa guisa Decameron, si que la N è sempre l' ultima lettera della detta parola e così l' hanno quasi tutte le copie, che più dell' altre vestigia serbano d' antichità. Per la qual cosa si può tener per fermo che il vocabolo Decamerone che, ne' libri stampati ed in alcuni scritti si legge, fermamente sia, senza fallo, moderna manifattura.

Lion. Salv. ib. p. 37.

Ben. Varchi, dans l' Ercolano, confirme la règle qui permet la suppression des voyelles finales euphoniques, mais il s' exprime en d' autres termes. (2: Non solo tutti i verbi ma tutte le persone di tutti i verbi finiscono ordinariamente nella lingua toscana, in alcuna delle vocali, quando si pronunziano intere, ma l' uso gli profferisce molte volte mozzi o tagliati...

Avertite ancora voi che i volgari, quando vogliono o mette lor conto, possono infinite volte levare le vocali delle fini delle parole, e far le terminare in consonanti. Varchi. Ercolano, p. 336 et 441.)

Dans le poëme de P. Bascapé, que j' aurai occasion de citer dans le cours de l' ouvrage, l' E final ne se trouve point aux substantifs en on (3), et manque souvent à ceux qui sont terminés en X, comme Pax,

Lux, Verax:, etc., qui aujourd'hui prennent toujours l' E final pace, luce, verace.

(3) Non seulement dans les fragments rapportés par Tiraboschi, stor. della lett. Ital., t. III, mais aussi dans des fragments plus considérables dont j' ai obtenu une copie.

AU roman changé en O Italien.

Les anciens auteurs italiens ont souvent employé l' AU primitif depuis changé en O. (1: Dans Guitt. d' Arezzo, on trouve souvent: Auro, paraula; dans Pétrarque: Auro, tesauro; dans Barberini, doc. d' am., on lit: “L' AU loro l' abbiam noi convertito in O.” Tav. de' doc. d' am. v° Robbadori.)

I introduit devant l' E dans l' intérieur des mots italiens.

Salvini, dans ses discours académiques, reconnaît qu' anciennement les Toscans ne plaçaient pas l' I devant l' E de tene, pensero, etc. (2)

Dans le poëme de P. Bascapé, on trouve cel au lieu de cielo.

(2) Ed ognun sa che anticamente i Toscani, alla provenzale, soleano, senza il toscano dittongo, dire tene, pensero e simili.

Salvini, disc. acad. 95, t. II, p. 419.

L roman changé en I Italien.

Quoique l' L des mots romans, placé après b, c, f, p, soit remplacé par l' I en Italien, on trouve encore dans plusieurs auteurs des exemples nombreux qui prouvent qu' autrefois on employait la forme primitive.

(3: Ainsi on lit dans Barberini, doc. d' am., Blasmo, flor, doplo, clama, clarezza; dans Guittone d' Arezzo, Clarire; dans Brunetto Latini et dans Boccace, Templo, esemplo, etc. etc.)

J roman changé en GI Italien.

Plusieurs anciens auteurs ont encore employé le J qui a depuis été remplacé par GI. (1: Juramento, judice, judicio, dans Fr. Saccheti, nov. e op. div. Jorno, dans le bon texte de Guit. d' Arezzo.

On lit dans les notes, pag. 180: “Se pure non si voglia dire forse con maggior probabilità que queste voci sono prese di peso dal provenzale.”

Qu' il me soit permis de faire au sujet de la langue italienne une remarque applicable à toutes les autres langues de l' Europe latine.

Si je suis parvenu à constater plusieurs rapports intimes, plusieurs identités frappantes qui ont existé entre ces langues, je l' ai dû souvent au hasard heureux qui m' a fait connaître d' anciens manuscrits ou quelques éditions de certains auteurs dans lesquelles les locutions, les formes antiques avaient été plus évidemment conservées.

Il est très vraisemblable que de nombreuses preuves de la conformité primitive de ces idiomes ont été perdues par la destruction des manuscrits, par les corrections des copistes ou des imprimeurs.

Je dirai plus; je ne doute pas qu' un grand nombre de preuves n' aient échappé à mes recherches, et ne puissent être encore découvertes par le zèle des savants qui auront à vérifier mes observations.)

Je pourrais indiquer divers autres changements tels que l' OS changé en OI, dans nos, vos, pos, qui ont produit en Italien Noi, voi, poi; les E retranchés au devant des mots commençant par S, etc. etc.; mais les modifications que les mots italiens ont subies, sont faciles à reconnaître, et sont même indiquées dans plusieurs ouvrages.

Qu' il me suffise de renvoyer (1) à la comparaison des langues de l' Europe latine, où les désinences des substantifs et adjectifs italiens non terminés en A féminin, seront rapprochées des désinences de ceux des autres langues.

(1) On trouvera dans les substantifs les désinences suivantes:

Al, an, ar, el, en, er, il, in, ol, om, on, ion, or, ul.

Dans les adjectifs: Al, an, ar, el, il, in, on, un.

Le tableau suivant contient l' indication des principales désinences romanes que la langue italienne a conservées ou n' a modifiées qu' en y joignant la lettre finale euphonique.

A. Aringo. Ginepre. Ministro. Agio. Terreno.

Quaresima. Fresco. Settembre. Nostro. L. Pieno.

Legista. Amico. Acre. Vestro. Mal. Inferno.

B. Ricco. Tigre. Feltro. Criminal. Eterno.

Gabbo. Broco. Ventre. Destro. Fele. Matino.

Albo. Solco. Conte. Atto. Fidel. Pelegrino.

Balbo. Tronco. Oste. Malato. Abril. Bastone.

Plebe. Bronco. Salce. F. Sottil. Bono.

Verbo. Porco. O pour E. Sevo. Ruscinuolo. Devozione.

Globo. Bosco. Amplo. Servo. Folle. Soggiorno.

Piombo. Losco. Exemplo. G et H. (*) Mulo. Commune.

Corbo Duque. Templo. I. Cuculo. O.

Orbo. Brusco. Salmo. Proverbio. M. Pro.

C. D. Marmo. Cambio. Fame. P.

Sacco. Laido. Ermo. Servizio. Gramo. Capo.

Fiacco. Caldo. Biasmo. Silencio. Psalmo. Drapo.

Ebriaco. Bando. Regno. Studio. Extremo. Campo.

Simoniaco. Grande. Segno. Homicidio. Elmo. Ceppo.

Falco. Sguardo. Inno. Olio. Verme. Serpe.

Manescalco. Tardo. Libro. Evangelio. Fermo. Mancipio.

Banco. Nudo. Membro. Capitano. Primo. Participio.

Franco. Mundo. Sepolcro. Strano. Pomo. Galoppo.

Marco. E. Macro. Crojo. Sommo. Colpo.

Largo. Fè. Allegro. Principio. Lume. R.

Pasco. Image. Aspro. Adversario. Fiume. Altare.

Rauco. Visible. Vespro. Altrui. N. Avaro.

Beco. Ome. Astro. Diluvio. Afanno. Piacere.

Cieco. Febre. Figliastro. Sabio. Certano. Vero.

Loco. Celebre. Maestro. Vizio. Carne. Ferro.

Cavaliere. Scalzo. Delicato. Mandamento. Preposto. Bove.

Leggiere. Marchese. Assalto. Deserto. Imposto. Calvo.

Desiro. Spesso. Alto. Certo. Solute. Salvo.

Consiro. Senso. Parte. Foresto. Virtute. Nervo.

Honore. Incenso. Arte. Manifesto. Tributo. Servo.

Segnore. Verso. Canto. Marito. Punto. X.

Muro. Perso. Manto. Dritto. Furto. Afixo.

Sicuro. Paradiso. Leopardo. Quinto. Fusto. Bosso.

Oro. Griso. Quarto. Conquisto. Robusto. Y.

Toro. Amoroso. Cauto. Tristo. U et V. Lai.

Martir. Polso. Basto. Frutto. Gru. Croio.

S. Corso. Casto. Scotto. Clave. Z.

Falso. Uso. Tozzetto. Molto. Soave. Prezzo.

Vaso. Confuso. Secreto. Afronto. Breve. Palazzo.

Grasso. T. Dente. Sorte. Cattivo. Gozzo.

Scarso. Gato. Contento. Forte. Novo.

(*) L' Italien fait subir aux mots romans terminés en G et en H des modifications qui ne peuvent trouver ici leur place.

Langue valaque ou moldave. (N. E. rumano, válaco, moldavo)

Pour déterminer si cet idiome mérite d' être compté parmi les langues de l' Europe latine, il faut reconnaître que, formé par la corruption de la langue latine dans les pays de l' Europe orientale où des colonies romaines s' étaient établies, il doit être examiné à la fois et dans ses rapports et dans ses dissemblances avec la langue romane formée par la même cause dans l' occident de l' Europe.

Les rapports sont intimes; les dissemblances sont extrêmes.

Voici les principaux rapports.

1.° Dans l' idiome valaque se retrouve le principe essentiel et fondamental de la langue romane qui a retranché toutes les désinences par lesquelles la langue latine désignait les cas des substantifs et des adjectifs. (1: Specimen d' un recueil de substantifs valaques classés par assonances. (*)

A. Altar. I. Pom. Jug.

Lac. Nas. Lin. Domn. Ulm.

Sac. Vas. Crin. Somn. Fum.

Drac. Pekat. Vin. Os. Num.

Lard. E. O. Nepot. Lup.

Cristal. Anel. Corb. U. Aur.

Ram. Fen. Loc. Riu. Taur.

Gran. Temp. Foc. Bou. Uurs.

Ann. Ferr. Nod. Plumb. Gust.

Camp. Vent. Idol. Trunc.

Cap. Desiert. Om. Turd.

Je crois inutile de recueillir les substantifs féminins dont la terminaison est en A, comme en langue romane, tels que tierra, vaca, septemana, doamna, credenca, etc.

Adjectifs valaques et romans.

Alb. Lat. Bor. Vin. Lung.

Larg. Sant. Orb. Profund. Surd.

* Il serait facile d' en composer un dictionnaire entier. Je n' ai rassemblé que les substantifs et les adjectifs cités dans les exemples que fournit le petit ouvrage intitulé: Elementa linguae daco-romanae sive valachicae... Per Geor. Sinkay. Budae, 1805, 12°.)

2.° Plusieurs inflexions des verbes valaques rejettent, ainsi que les inflexions des verbes romans, la voyelle euphonique que des langues de l' Europe latine ont ajoutée aux désinences romanes. (1)

3.° Les participes présents, les participes passés qui sont les mêmes qu' en roman. (2)

4° La conformité de plusieurs éléments de discours. (3)

5° L' usage des auxiliaires être et avoir. (4)

(1) Je me borne aux exemples suivants des premières personnes du présent de l' indicatif des verbes:

En ARE.

Sing. Pl.

Laud Laudam

Cant Cantam

Cunosc Cunoscem

Calc Calcam

Reman Remanem

Joc Jocam

Judic Judicam

Cerc Cercam

En IRE.

Dorm Dormen

En ERE.

Tac Tacem

Aud Audem

Ved Vedem

Fug Fugem

Cad Cadem

Rid Ridem

Bat Batem

Cred Credem.

(2) En ARE. En ERE. En IRE.

Part. Pr.

Laudand Batend Dormind

PAS. Laudat Batut Dormit.

(3) Mai pour terme de comparaison; l' article indéfini un, l' adjectif Tot, les pronoms Io, jeu, tu, iel, lui, Noi, voi, lor, meu, amei, anoastre, avoastre, acest, cel, acel.

(4) Le premier de ces auxiliaires en valaque est dérivé du verbe Fuo dans tous les temps et dans tous les modes, à l' exception du présent et de l' imparfait de l' indicatif.

Dans le second avere, on distingue entre autres avem, première personne du présent de l' indicatif roman au pluriel havend, et avut, participes présent et passé romans.

6.° La réduction des verbes en trois conjugaisons ARE, ERE, IRE.

Si ces rapports sont frappants, les dissemblances sont plus frappantes encore.

1.° Non-seulement les articles de la langue valaque sont autres que ceux de la langue romane, mais encore ils sont placés après le mot auquel ils se rapportent, et y sont attachés comme affixes. (N. E. típico balcánico, y euskera.)

2° Quoique le substantif et l' adjectif soient primitivement purs romans, la déclinaison les soumet à des formes qui les modifient tellement, qu' il est difficile de reconnaître le mot primitif. (1: Ainsi Domnum au nominatif présente Domn roman, et ul, article valaque. L' accusatif prend la préposition PRE, et fait pre-domn-ul, etc.)

Il en est de même de la plupart des pronoms.

3° Les augmentatifs et les diminutifs sont exprimés par des signes entièrement différents de ceux qui sont employés pour désigner les augmentatifs et les diminutifs dans les langues de l' Europe latine.

4.° Les deux verbes auxiliaires être et avoir et les autres verbes, réguliers ou irréguliers, n' offrent guère de rapports avec les verbes romans, et quelques formes sont entièrement étrangères.

5.° Dans les verbes romans, le futur est formé par l' adjonction du présent de l' indicatif du verbe Avoir au présent de l' infinitif; au contraire, dans les verbes valaques il est désigné par le présent de l' indicatif de l' auxiliaire vouloir, qui précède le présent de l' infinitif.

Le passif des verbes valaques n' est point formé par le moyen de l' auxiliaire être placé devant le participe passé, comme dans toutes les langues de l' Europe latine, mais la voix passive se forme par la réunion du pronom personnel à la voix active. Ainsi ME LAUD signifie en valaque: je suis loué, etc. etc.

Cette forme n' est pas tout-à-fait étrangère à la langue romane. Souvent le pronom SE, placé au devant de la voix active, produit l' effet d' un passif. (1: Ainsi nous disons passivement: Cette ville se nomme Paris pour est nommée, etc..)

Plusieurs adverbes, prépositions et conjonctions ont des rapports plus ou moins directs avec les adverbes, prépositions et conjonctions de la langue romane (2: Poi, gios, sus, quand, ieri, cum, que, etc. ), et on reconnaît souvent leur forme composée; mais il en est d' autres qui n' offrent aucune sorte d' analogie avec cette langue. (3:

Se pour ut. Dece pour quare.

De si. Langa penes.

Shi et. Pre supra.

Far sine. Spre ad, in.

Din ex. Quatra versus.)

Pour établir, avec tous les détails et tous les développements convenables, le parallèle raisonné de l' idiome valaque avec les langues de l' Europe latine, il faudrait posséder des ouvrages valaques qui démontrassent matériellement le long usage ainsi que les formes antiques et progressives de cet idiome. Mais un tel secours manque; la Bible a été traduite et imprimée très tard, et rien ne prouve que les livres de liturgie, les catéchismes écrits en valaque, soient d' une époque un peu reculée.

Je ne consignerai point ici le résultat des recherches historiques à la faveur desquelles les philologues reconnaîtraient comment a pu se former et se conserver, en Valachie et en Moldavie, une langue née de la corruption de la langue latine; je me borne à exposer l' opinion personnelle que j' ai acquise par l' étude des faits historiques et par l' examen approfondi des éléments caractéristiques de l' idiome valaque.

Des colonies romaines placées dans les pays qui composent aujourd'hui la Valachie et la Moldavie y avaient porté la langue des Romains dès le deuxième siècle de l' ère chrétienne.

Des peuples de diverse origine, et notamment les Goths, occupèrent les mêmes pays, et se mêlèrent aux anciens habitants; les Goths (1: Vers l' an 360.) y étaient établis, lorsqu' ils embrassèrent la religion chrétienne; ils eurent donc une nouvelle occasion de connaître la langue latine, avant qu' ils fissent leurs irruptions en occident.

Par la cessation des rapports directs avec la métropole, par le laps du temps qui altère presque partout le langage, et surtout par l' influence inévitable des idiomes des différentes nations qui environnaient les descendants des colonies romaines, ou qui se confondaient successivement avec eux, la langue latine ne put que se corrompre et se modifier; et il s' opéra du côté de l' orient, mais avec d' autres résultats, le même phénomène grammatical qui dans l' occident produisit la langue romane primitive.

Soit par l' effet du hasard, soit par la force même des choses, l' idiome valaque retint ou rencontra quelques-uns des principes élémentaires, quelques-unes des formes essentielles qui ont constitué, d' une manière si précise et si analogique, les langues de l' occident, mais il créa ou accepta un plus grand nombre de principes et de formes qui établirent une extrême dissemblance entre cet idiome et ceux de l' Europe latine.

Il arriva alors pour l' idiome valaque ce qui serait infailliblement arrivé pour chacune des langues de l' Europe latine en occident, si, au lieu d' avoir eu un type commun et primitif, elles s' étaient formées isolément de la corruption de la langue latine, et avaient suppléé des formes particulières, ou adopté les formes accidentelles et diverses que l' influence des idiomes voisins aurait pu fournir.

J' hésite d' autant moins à placer l' idiome valaque parmi les langues de l' Europe latine, que s' il présente de nombreuses dissemblances dans plusieurs des formes grammaticales élémentaires, il en offre beaucoup

moins dans les mots. On aura reconnu que tous les substantifs, adjectifs et verbes valaques que j' ai cités, (1: Pages LXII et LXIII.) sont identiques avec les mots romans qui expriment la même idée.

Je terminerai ce discours préliminaire par une réflexion. On s' étonnera peut-être de ce que j' ai conservé, dans cet ouvrage, certaines dénominations grammaticales, sans tenter de corriger les plus défectueuses; mais j' ai cru que, m' adressant à des lecteurs de différents pays, j' aurais une difficulté de plus à vaincre, si j' employais des expressions qu' il serait nécessaire de définir, et je me suis asservi à l' usage, (2) qui est d' une si grande autorité en pareille matière.

(2) Ainsi j' ai appelé pronoms possessifs mon, ton, son, et pronoms personnels, je, tu, nous, vous, bien qu' on ne les emploie pas à la place d' un nom, et que les uns soient des adjectifs possessifs, et les autres des substantifs personnels, etc. etc.

Comparaison des langues de l' Europe latine.

Pour établir la comparaison des diverses langues de l' Europe latine, et notamment du français, de l' espagnol, du portugais et de l' Italien, avec la langue des troubadours; pour indiquer les rapports intimes et primitifs, les formes identiques, les caractères communs de ces langues, et même des idiomes populaires et locaux qui s' y rattachent, je suivrai le plan que j' ai adopté dans ma Grammaire romane.

Ainsi, je rassemblerai dans huit chapitres les divers et nombreux rapports de ces langues.

Le premier chapitre traitera des articles;

Le second, des substantifs;

Le troisième, des adjectifs;

Le quatrième, des pronoms;

Le cinquième, des noms de nombre;

Le sixième, des verbes;

Le septième, des adverbes, prépositions et conjonctions;

Le huitième, des locutions particulières.

Dans chacun de ces chapitres, je présenterai les rapports grammaticaux; je prouverai les identités de formes, en rapprochant toujours les exemples anciens que fournissent les écrivains dans chaque idiome.


Chapitre premier.

Articles.

Articles de la langue romane, qui se trouvent dans les autres langues de l' Europe latine.

Masculin. Féminin.

Sing.

El, lo la, il

Del, de lo de la

Al, el, a lo a la

Plur.

Els, los, li las

Dels, de los, de li de las

Als, a los, a li a las

Anciens articles français.

Aujourd'hui, d' après les modifications qu' ont subies les articles de la langue française, il ne reste en usage que les suivants:

Masculin. Féminin.

Sing.

Le, la.

Du, de la.

Au, à la.

Pluriel.

Les, les.

Des, des.

Aux, aux.

Mais, dans les anciens monuments, on retrouve les articles romans qu' employaient les troubadours.

Si ces monuments n' existaient pas, les linguistes habiles, les philologues exercés, reconnaîtraient facilement les modifications que les articles de la langue des troubadours ont subies dans l' ancien français. (1: J' ai expliqué comment lo, los, las, par le changement de leur voyelle en E muet français, ont produit le, les, les.

Del a produit d' abord Deu, dont on trouve quelquefois des exemples dans les anciens manuscrits.

“Et tenom et avom deu davant dich comte tot quant nos avom et tenom.” Aveux de l' Angoumois, Arch. du Royaume, an 1270, cart. 512.

Et ensuite ce Deu s' est contracté en Du; dels, els, al, als, ont produit des, ès, au, aux.)

Mais des monuments de cet idiome nous ont conservé la preuve matérielle de l' existence des articles romans, savoir:

Sing. El, lo, del, de lo, al.

La, de la.

Pluriel Li, de li, dels, als.

En voici de nombreux exemples:


El, lo, sujets.

Il est rare de trouver EL et LO employés comme sujets.

“Al grant palais où EL grant conseil ere et li petitz.”

Villehardouin, p. 12.

Le roi Artus, en un esté,

Estoit à Cardoil sa cité,

O lui la roine et Gauvain,

Keu LO senechal et Yvain.

Fabl. dou Chevalier a l' Espée. (1: Sinner, cod. MSS. bibl. Bern. t. III, p. 379.)

Et quant il sera éloigniés

De sa maison, LO chapelain

Y ira.

Fabl. do Mire de Brai. (2: Ib. p. 382.)


Lo, régime:

“Il alast à Justinien LO prince... Et là, estisant LO poble e regardant...”

Trad. des Dialogues de S. Grégoire. (3: Hist. Litt. de la Fr. t. XIII, p. 11.)

“Car il esleit LO bien e si refusast lo mal.”

IIe sermon de S. Bernard, sur l' Avent.

“Dedanz LO voile el sanctuaire por orer por LO peule... qui par LO sanc de sa passion desarmeit LO ciel.”

Com. d' Haimon, sur l' Ép. de S. Paul. (4: Mém. de l' Ac. des Inscr. Et Belles-Lettres, t. XVII, p. 726.)

“Ne demoura fors LO mouton.”

Marie de France, t. II, p. 223.

“Par LO jugement de Engleterre.”

Lois de Guillaume le Conquérant, XXV.

“Si aroit LO quart de la conqueste... dedans LO quar jor.”

Villehardouin, p. 94, 122.

“Lo plus de nostre gens.”

Villehardouin, p. 150.


Del, de lo:

“Le mestre del palais.” Chroniques de France. (1: Recueil des Hist. de France, t. III, p. 295.)

“Forment se deffendit del cas que la royne li metoit sus."

Chroniques de France. (2: Ib. p. 232.)

“El nun DEL Pere, del Fiz, del Espeirit.” Trad. en vers de la Bible. (3: Mém. de l' Acad. des Inscr. t. XVII, p. 730.)

“El regart del tot poissant deu.” Trad. des Dial. de S. Grégoire. (4: Hist. Litt. de la France, t. XIII, p. 11.)

“El chief DEL mois.” Villehardouin, p. 16.

E DEL romans un livre faire

El nom et en la reverence

Del roi fil Philippe de France.

Roman de Dolopatos. (5: Fauchet, Hist. des anc. Poëtes fr. XII. )

Sire de tot lo monde.

Roman d' Alexandre. (1: Hist. Litt. de la France, t. XV, p. 123.)

Pere de tot lo mont.

Trad. du Livre de la cour du roi d' Allemagne. (2: MS. de la bib. de Berne.)

Salvament de tot lo monde.

Sermon sur la Sagesse. (3: Glossaire sur Joinville, A.)


El, al, régimes:

“Li message vindrent EL mostier.” Villehardouin, p. 10.

“Si fiert celui el vis.”

Fabl. et Cont. anc., t. 1, p. 87.

“Et se meist EL leu le comte de Champaigne.”

Villehardouin, p. 16.

“EL buisson vienent trestot droit.” Fabl. et Cont. anc., T. 1, p. 98.

Qu' EL puis le convient avaler

Se del fromaige velt gouter.

Le Castoiement, conte 21.

“Quant EL lit ot un poi géu”. L' Ordène de Chevalerie.

“E tote la terre encor se rendi à lui et obéi et ruina EL païs.”

Villehardouin, p. 189.

“Al matin si fu le parlemenz.” Villehardouin, p. 17.

“Al tiers jur repairad un huem.”

Trad. du IIe livre des Rois, fol. 4.

“Et li fil AL Grieu se revella.” Villehardouin, p. 135.

“Lorsque AL palais de Blaquerne.” Villehardouin, p. 84.

“L' empereris qui ere fame AL pere et marastre AL fil et ere suer AL roi de Hongrie.” Villehardouin, p. 85.

Gilebertz conta icel fait

Al autor ki 'l nus ad retrait.

Marie de France, t. II, p. 480.


Li:

“LI Franc vainquirent les Grejois,” Villehardouin, p. 132.

LI bois recovrent lor verdure. Roman de la Rose, v. 53.

Si cum font LI loial amant. Roman de la Rose, v. 4229.

Dels:

“Apud villam DELS Glotos.” Chartre de Louis IX, de l' an 1260. (1: Rymer, t. I, p. 55.)

“Ès cambres dels reis meesmes.” Traduction du Ps. 104: Confitemini. (2: Psautier de Corbie, MSS. de Colbert, à la Bibl. du Roi.)

Als:

“Qui avoient esté pris à celle desconfiture et ALS autres leus dont il avoit assez en sa terre.” Villehardouin, p. 202.

LA, DE LA, A LA, articles féminins romans, au singulier, ont été conservés dans la langue française. (1:Dans quelques manuscrits des poésies des troubadours, on trouve les contractions des articles ALS, A LAS, en AS, et ELS en ES. AS et ÈS ont été pareillement employés dans l' ancien français; Ès est même resté dans quelques expressions surannées, maître Ès arts, chevalier Ès lois.)

Articles espagnols.

L' identité de ces articles avec ceux de la langue des troubadours est telle qu' il suffit d' en présenter le tableau comparatif.

Masculin.

Roman. Espagnol.

Sing. El, lo El, lo

Del, de lo del, de lo

Al, el, a lo, al, a el, a lo

Plur, Los, los

De los, de los

A los a los.

Féminin.

Sing. La, la.

De la, de la

A la, a la.

Pluriel Las. las

De las, de las

A las a las.

La langue espagnole emploie spécialement au singulier masculin, l' article EL, et au pluriel masculin, l' article LOS.

L' article LO est réservé au singulier pour les mots employés neutralement: lo bueno, lo malo, lo peor.

Cette règle est établie depuis long-temps, puisque dans les monuments qui restent de l' ancien idiome espagnol, LO ne se trouve plus que comme article neutre.

Mais il est permis de croire que primitivement LO était aussi article masculin au singulier, quand on voit qu' il a été employé autrefois comme pronom relatif, se rapportant aux personnes, ainsi que j' en donnerai des exemples, quand je comparerai les pronoms.

L' article EL masculin se place au lieu de l' article LA féminin, devant les noms féminins qui commencent par la voyelle A. C' est ainsi qu' en français, pour ne pas choquer l' oreille en disant MA amie, TA odeur, SA épée, etc., on a substitué MON amie, TON odeur, SON épée, etc.

Les anciens monuments espagnols fournissent des exemples de ce changement euphonique:

Por EL agua a passado.

Poema del Cid, v. 150.

Antes perderé el cuerpo e dexaré EL alma.

Poema del Cid, v. 1030.

Mais comme la règle a été introduite par le seul besoin de l' euphonie, elle n' a pas été assez constamment et assez généralement observée, pour qu' on ne retrouve encore des preuves de l' usage primitif.

“Como va a LA agua.” Fuero de Llanes. (1: Llorente, Not. de las tres prov. vascongadas, t. IV p. 183.)

Per amor de LA alma. Vida de santa Oria, v. 113.

Levaron los diablos LA alma en preson.

Milag. de N. Sra, cobl. 163.


Anciens articles portugais.

Parmi les langues de l' Europe latine, la langue portugaise semble, au premier aperçu, avoir formé ses articles d' après un type particulier.

Articles romans. Articles portugais modern.

Masculin. Féminin. Masculin. Féminin.

Sing. El, lo, la. O, a.

Del, de lo, de la. Do, da.

Al, a lo, el, a la. Ao, á.

Pluriel Els, los, las. Os, as.

Dels, de los, de las. Dos, das.

Als, a los, a las. Aos, ás.

Cependant il est aisé de reconnaître que la différence ne tient qu' à une modification unique, modification que la langue portugaise reproduit régulièrement dans plusieurs de ses mots auxquels elle retranche l' L.

Ainsi, c' est en supprimant l' L des articles primitifs LO, LA, qu' ont été formés les articles actuels O, A; de même des mots celo, quales, sont venus ceo, quaes, etc.

Ce caractère particulier de la langue portugaise étant reconnu, il ne resterait plus aucun doute sur l' identité primitive des articles romans et portugais; mais j' ai à fournir des preuves et des autorités positives auxquelles les philologues portugais eux-mêmes n' avaient pas fait attention. Ces détails et leurs résultats démontreront que c' est le seul défaut de monuments très anciens qui empêche de porter au même degré d' évidence tous les rapports identiques et essentiels qui ont existé primitivement entre les divers idiomes de l' Europe latine.

Peut-on méconnaître l' emploi des articles lo, los, la, las, dans pello, pollos, pella, pollas, nollas, todalas, contractions de per lo, por lo, etc.?

Outre cet emploi évident des anciens articles lo et la, les Portugais ont conservé l' article EL pour le mot REY.

“Por EL rey Fadrique... En casa DEL rey seu pay... El rey Tarnaes.”

Palmeirim de Inglaterra, t. I, p. 2, 6 et 9.

Mais ces conjectures très fondées deviennent des certitudes, des vérités incontestables, quand on rencontre les articles romans dans les anciens monuments de la langue portugaise. En voici de nombreux exemples:

El:

“E foy fallar a EL rey... dizendo lhe EL rey, etc.”

Chronica del rey D. Joam. I, part. III, c. 21,

“El rey de Bitinia, el rey de Caspia, el rey de Trapisonda.”

Palmeirim de Inglaterra, t. III, p. 10.


Lo:

“Per LO porto de Figueira.” (N. E. LO : O : O portoOporto)

Foral de Moz. 1162. (1: Elucidario, t. II, p. 209.)

“Sobre LO departimento dos davanditos termos.”

Docum. de Aguiar de Beira, 1268. (1: Elucidario t. II, p. 483. )

“Dar li am por LO marco de prata.”

Docum. da villa de Moz, 1270. (2: Ib. p. 118.)

En LO dia en que vos vi.

Cancioneiro MS. do real Collegio dos Nobres de Lisboa, fol. 94.


Del:

“Et palacio del senor de Molas.” Docum. da villa de Moz. 1162. (3: Ib. p. 195.)


De lo:

“Complane en sulco de LO só.” Elucidario, t. 2, supp. p. 23.

“De LO comaro a suso.” Docum. de Pendora, 1185. (4: Ib. p. 337.)

“Sine plaser de LO esposo.” Docum. de Moncorvo. (5: Ib. p. 308.)

De LO dia en que a connoci.

Canc. MS. do real Collegio dos Nobres, fol. 59.


Al:

“Pectet XXX morabitinos, et AL rancoroso.”

Docum. de Moncorvo. (6: Ib. p. 264.)

“Pectet XX ff AL rancuroso.” Docum. de Thomar. (7: Ib. p. 264.)

“Pectet quatuor morabitinos AL rancuroso.”

Foral de Santa Cruz da Villariça, 1225. (1: Elucidario t. I, p. 464.)


Los:

“Sobre LOS santos livros.” Carta del Rei D. Diniz, 1284. (2: Elucidario t. II, p. 95.)

“Cum tres parentes LOS magis circa.”

Foral de Santa Cruz de Villariça, 1225. (3: Elucidario t. I, p. 464.)

“Sobre LOS santos evangelhos.” Inq. del Rei D. Diniz. (4: Elucidario t. II, p. 332.)


La, de la:

“In tota LA villa.” Foral de Santa Cruz da Villariça, 1225. (5: Elucidario t. I, p. 464.)

“De la boca de fos de Sousa.” Docum. de Graça de Coimbra, 1290. (6: Elucidario t. II, p. 395.)

“Prior de Portugal DE LA Ordem de Espital.”

Foral de Crato, 1220. (7: Ib. p. 397.)

“De la carrega tres mealias... aprehendat suo hospite LA tertia.”

Foral de Aguiar de Beira, 1258. (8: Ib. p. 230.)


Las:

“Pectet LAS anguejras.” Foral de castello Branco, 1213. (1: Elucidario t. I. p. 118.)

“Sahir sobre LAS fontes... sairem sobre LAS fontes.”

Test. de Santiago de Coimbra, 1231. (2: Elucidario t. II, p. 299.)

“Inquiziçam que foi feita sobre LAS honras.”

Docum. de Lamego, 1292. (3: Elucidario t. 1, p. 374.)

Dans une traduction que le roi Denis fit faire de divers morceaux de la bible, et dont il existe deux manuscrits à la bibliothèque de l' Escurial, l' un du XIVe, et l' autre du XVe siècle, (4: Memorias de Litter. portug. t. VII, p. 48.) on lit:

“Quando nosso sennor deus crio en o començo o ceo e a terra e todas LAS cousas que... E todas LAS naturas dos angeos.”


Articles italiens.

La plupart des articles ou segnacasi italiens sont les mêmes que ceux de la langue des troubadours, ou n' offrent que de légers changements. Autrefois ces changements étaient moindres encore.

Anciens articles italiens.


Masculins.

Sing. EL changé en IL.

LO, DEL conservés.

DE LO changé en DELLO.

AL, A LO conservés.

Pluriel. LI changé en GLI, I.

DE LI DEGLI, DE'

A LI AGLI, AI.

Féminins.

LA conservé.

DE LA changé en DELLA.


A LA ALLA.

EL, sujet: “El sommo saggio buono maiestro mio mi degnerà dimostrare.” Guitt. d' Arezzo, carta I, p. 2.

“EL coro del duomo di Siena fù finito... EL vino valeva... muoia EL tiranno e viva EL popolo.” Chronice Sanese. (1: Muratori, Rer. Ital. script, t. XV, p. 217-224.)

“In quest' anno fù fatto EL palazzo... Et EL dito podestà durò per sei mesi e similmente el podestà de Vicenza.” Regim. Paduae. (2: Muratori, Rer. Ital. script, t. VIII, p. 384-388. )

“EL conte Filippo Bonromeo metterà el bavero al duca.”

Registro dei Duchi di Milano, sec. XV. (3: Rosmini, Doc. ined. t. IV, dell' Istoria di Milano.)

“Col maestro Martino di Santo Spirito EL quale dicea... EL maestro ed io Jacobo.” Jacobo di Boccacio. (4: Manni, Istor. del Decamerone, p. 104.)


El, régime:

“Ma se tutto EL ben loro no fa.” Guit. d' Arezzo, cart. I, p. 4.

E vedi ed odi EL lusignol che canta.

Ug. Azzo Ubaldini. (1: Dans la pièce: Passando con pensier.)

“Messere Guarnero gli farà EL sermone e gli darà EL sagello con EL Consiglio secreto.” Registro dei Duchi di Milano, sec. XV. (2: Rosmini, Docum. ined. t. IV, dell' Ist. di Milano.)

Col popol mio contra EL fiorentino. Cronaca di Ser Gorello. (3: Muratori, Rer. Ital. scriptores, t. XV, 823.)

“EL quale gli diedi in serbanza.”

Jacobo di Boccacio. (4: Manni, Istor. del Decamerone, p. 104.)

J' aurais pu multiplier à l' infini les preuves de l' existence de l' article EL dans l' ancienne langue italienne. On me pardonnera d' en avoir fourni un certain nombre, parce que l' académie de la Crusca n' a pas fait mention de cet article dans son dictionnaire, quoiqu' elle ait indiqué EL comme ancien pronom personnel.

Il y a peu de dialectes ou patois italiens qui n' aient fait usage de cet article primitif EL.

Lo:

La langue italienne ne se sert plus aujourd'hui de l' article LO que devant les mots qui commencent par un S, suivi d' une autre consonne. Mais autrefois cet article était employé indifféremment devant les mots qui commencent, soit par une seule consonne (1), soit par une voyelle.

“Si dolcemente LO cor m' inamora.” Boccaccio, Decameron X, 7.

Grave a la terra per LO mortal gielo. Dante, Purgatorio, XII.

“Lo abate udendo.” Boccaccio, Decameron II, 3.

“Avevan LO innocente per falsa suspizione accusato.”

Boccaccio, Decameron III, 7.

“Lo amore.” Cento Nov. ant., n° 47.


De LO:

Così de LO mio core

Ogni altra cosa, ogni pensier va fore.

Petrarca, canz. 19.


Li:

“Gia LI surgenti raggi per tutto il nostro emisperio avevan fatto chiaro.”

Boccaccio, V, Proemio.

E LI angeli formao.

Brunetto Latini, Tesoretto, p. 36.


(1) Castelvetro, Giunte al Bembo, lib. III, avance que Pétrarque S' était servi de l' article LO devant MIO, CUI et semblables, pour donner à ses vers une sorte de dignité, en y répandant quelques vestiges de l' antique usage de cet article: Per accrescere, spargendo alcun vestigio dell' uso antico di questo articolo, dignità alle sue rime.

“En Li suoi vietò terrena grandezza.”

Guit. d' Arezzo, lett. I, p. 5.


De li:

De li quai non ti penti.

Barberini, Doc. d' am., p. 38.


De la:

Signor de la mia fine e de la vita.

Petrarca, sest. A qualunque.

Così parlando lo percosse un demonio

De la sua scoriada

Dante, Inferno XVIII.


A la:

Dispregio e damno a la fiata.

Barberini, Doc. d' am., p. 14.

...Pensate a la partita

Venti contrari a la vita serena.

Petrarca, canz. Italia.

Del mattino a la sera.

Petrarca canz. Ne la.

Dans le tableau synoptique suivant, on trouvera le rapprochement de tous les articles romans qui ont été jadis en usage, ou qui le sont encore aujourd'hui dans les langues de l' Europe latine. (1: Les lettres en caractère ordinaire désigneront, dans ce volume, les articles et les mots qui ont été employés autrefois dans une langue et qui le sont encore à présent; les lettres capitales désigneront les articles et les mots qui ont jadis appartenu à la langue, et qui, ensuite, ont été abandonnés ou modifiés.)

Tableau des rapports des articles dans les langues de l' Europe latine.

Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien.

El, el, el, el, el.

Lo, lo, lo, lo, lo.

Del, del, del, del, del.

De lo, de lo, de lo, de lo, de lo.

Al, al, al, al, al.

A lo, a lo, a lo, a lo.

Los, los, los.

Li, li, li.

Dels, dels,

De li. de li.

De los, de los;

Als, als,

A li, a li.

A los, a los,

La, la, la, la, la.

De la, de la, de la, de la, de la, (della)

A la, a à la, a la, a la, a la.

Las, las, las.

De las, de las, de las,

A las, a las, a las.

J' ai prouvé précédemment que LOS et LAS romans ont produit LES français; de sorte que le tableau pourrait comprendre comme français los, las, de las, a las.

Dans la grammaire de la langue romane, j' ai dit que devant des noms propres, génériques, qualificatifs, etc., elle supprimait quelquefois la préposition qui sert à indiquer le régime indirect.

Cette forme grammaticale est restée dans les diverses langues de l' Europe latine, qui suppriment parfois les prépositions A et DE devant les noms que j' ai indiqués.


Français:

Sire, merci, por... dieu amor. Le Castoiement, conte 9.

“La... dieu merci.” Villehardouin, p. 107.

Si la mets en la... dieu main. Villehardouin, p. 43.

“Bien se conformoit aux mors et à la maniere... le roi.”

Chron. de France. (1: Rec. des Hist. de France, t. III, p. 260.)

Toute semblable aux filles... Jupiter.

Clément Marot, t. 4, p. 110.

“La corone... le rei, la justice... le roi, la pais... le roi.”

Lois de Guillaume le Conquérant.

La mort ne me greveroit mie

Si ge moroie es bras... m' amie. Roman de la Rose, v. 2474.

Per l' ame... mon pere. Roman de la Rose, v. 2609.

Cette ancienne forme se retrouve encore en quelques expressions restées dans la langue actuelle, telles que hôtel-dieu, fête-dieu, de par le roi (1: On verra, dans le cours de cet ouvrage, que jadis on disait, de part le roi.), choisy-le-roi, etc.

“L' offre que il avoient faite... Le duc de Bouigoingne et... le comte de Bar-le-Duc, et comment il avoient refusé.”

Villehardouin, pag. 16.

Li marcheans dist donc... son frere. Le Castoiement, conte 20.


Espagnol:

En l' apocalypsi... Sant Joan evangelista.

Arc. de Hita, cobl. 985.


Por el fue, ... deo gracias, la eglesia sagrada.

Vida de S. Domingo, v. 110.

Mas avie, ... deo gracias, so pleyto ben librado.

Poema de Alexandro, v. 2303. (N. E. Alexandre)


Portugais:

“Partiran se á... deos misericordia.”

J. de Barros, dec. I, liv. I, cap. 7.


Italien:

“Nel sommo bene... nostro signore.”

Guit. d' Arezzo, cart. 1, p. 8.

“Il qual cardinal, la... dio mercè, hora papa Leon.”

Bembo, l. 1. p. 6.

“L' amistà del mondo è... dio nemica.”

Guit. d' Arezzo, cart. 36, p. 84

“La... dio mercè e la vostra.”

Boccacio, Decameron, III, 9.

“Uscite segretamente una notte di casa... il padre.”

Boccacio, Decameron, V, 2.

“E grazia non... dio rende di tanta grazia.”

Guit. d' Arezzo, cart. 13, p. 34.


INDEX:

Chapitre 2, Substantifs

3, Adjectifs

4. Pronoms

5. Noms de nombre

6. Verbes